J'ai été content hier d'entendre Isabelle Hachey à Tout le monde en parle critiquer l'utilisation à outrance du mot woke. Un mot fourre tout utilisé à toutes les sauces que plusieurs 50 ans et plus ont récemment appris et qui sont tout content d'utiliser pour discréditer leur adversaire idéologique en tuant le débat.
Parce que c'est nous qui tuons le débat?
Je viens d'écouter l'entrevue et il me semble qu'il y a bien d'autres choses que ça à retenir.
Résumons :
1) La réalité de dizaines de professeurs d'université qui ont subi de l'intimidation de la part d'étudiants ou qui ont décidé de s'auto-censurer afin d'éviter des dérapages en classe.
2) Professeure d'histoire à l'université d'Ottawa qui s'abstient de parler d'homosexualité au Moyen Âge et, en le disant à ses étudiants, pour être finalement dénoncée comme homophobe sur les réseaux sociaux. Hachey ajoute que la conjointe de la professeure a trouvé ça très drôle.
3) Un autre n'a pas voulu parler d'esclavagisme à l'université d'Ottawa
4) Hachey dit avoir été contactée de partout, de toutes les universités. (Est-ce vraiment toutes? Même moi je suis prêt à mettre de l'eau dans son vin. Entendons-nous sur "la plupart").
5) Beaucoup de problèmes à McGill dans le département de littérature.
6) Beaucoup de témoignages de l'UQAM
7) Hachey revient sur l'histoire dont nous avons parlé ici de la chargé de cours en études féministes de l'UQAM accusée de transphobie parce qu'elle prononçait les mots "hommes et femmes". Ce qu'elle décrit comme une campagne de harcèlement. Cette chargé de cours n'a pas seulement renoncé à enseigner dans son champ d'études (comme on en avait discuté ici), mais est partie en arrêt de travail et l'était toujours au moment de l'entrevue.
8 ) (Guy A) : Des professeurs nous ont dit qu'ils avaient de plus en plus aux prises avec une génération d'étudiants qui ne croyaient pas au savoir qui est enseigné à l'université. Et d'ajouter : "Que font-ils à l'université?"
9) Isabelle : (rires) Je pense encore une fois qu'ils sont très minoritaires, mais ce qu'une prof m'a dit c'est qu'il n'allait pas à l'université pour apprendre, mais pour faire la révolution. Ils ont lu beaucoup sur les "savoirs expérientiels". Donc leur expérience est plus importante que le savoir qui est transmis dans les universités. Ils arrivent là en se disant : "La prof elle n'a rien à m'apprendre". Ils sont peu nombreux, mais prennent tellement de place.
10) Guy A ajoute que ça peut faire déraper un cours. Ce à quoi Isabelle renchérit en disant "même une session".
11) Des professeurs qui permettent aux étudiants de ne pas lire les livres qui pourraient les heurter ou qui invitent des conférenciers en classe afin de s'abstenir eux-mêmes d'aborder certains enjeux.
À propos de ton passage elle dit notamment qu'elle a "
un p'tit peu de misère avec ce mot-là" (on s'entend qu'on a déjà entendu des déclarations pas mal plus cinglantes que celle-là) et que selon elle, le terme a été récupéré par une certaine droite identitaire qui s'en sert comme insulte, mais que dans le passé ça voulait dire "éveillé aux injustices sociales".
Ok, fair enough.
Alors admettons que moi je représenterais un genre de droite identitaire qui reprend ce terme à outrance (je pousse ça à l'extrême, non pas pour faire ma victime, mais juste pour les besoins de la discussion), après tout c'est moi qui ai lancé ce fil de discussion et qui critique le plus.
Astheure de votre côté, pouvez-vous me dire honnêtement que vous voyez un quelconque "éveil aux injustices sociales" dans les onze points ci-dessus? Y a-t-il une seule bonne idée là-dedans qui mérite d'être débattue? Une seule piste à suivre qui pourrait nous faire avancer comme société?
S'il y a un dénominateur commun aux centaines, voire milliers de forumeux qu'on a côtoyés depuis 10-15 ans ici comme sur le forum des CF, c'est bien que nous partageons des valeurs dites progressives. Que la science va toujours l'emporter sur les conspirationnistes, les créationnistes, les pro-vie, etc. Et que (je ne pensais jamais avoir à écrire ça un jour) le savoir universitaire va toujours l'emporter les "savoir expérientiels" (sérieux, wtf?). Par conséquent, je n'ai absolument rien en commun avec les wokes (ou les wokes dont je parle) ni n'éprouve aucune empathie à leur égard (pour reprendre un terme employer par Lisa précédemment).
Le wokisme jette le bébé avec l'eau du bain et s'applique autant à quelqu'un qui manifeste pour le mouvement Black Lives Matter qu'aux étudiants crinqués à Ottawa qui inonde le bureau d'un profs de dépliants.
Tam, je te propose deux diagrammes de Venn imaginaires :
- Dans le premier : L'ensemble des étudiants crinqués à Ottawa qui inondent le bureau d'une profs de dépliants. Vous serez d'accord avec moi qu'aucun d'entre eux ne peut sérieusement se définir comme progressiste et qu'il ne reste donc que des wokes dans ce groupe (peu importe à quel bout du spectre ils se trouvent: de la vermine woke aux poussinots-poussinettes wokes).
- Dans le second : L'ensemble de la population nord-américaine (voire mondiale) qui a été scandalisée par la mort de George Floyd (et autres cas précédents) qu'ils aient manifesté, qu'ils se soient exprimés sur les réseaux socieux, qui aient achetés un t-shirt Black Lives Matter. Des dizaines sinon des centaines de millions de personnes progressistes parmi lesquelles les wokes ne représentent qu'une infime partie.
Bref, t'as des wokes qui sont nuisibles et ceux qui sont utiles sont noyés dans un océan de gens progressistes anyway (join the club, j'ai pas de trouble avec ça).
Après ça on peut leur donner des étiquettes différentes si vous voulez, mais pour moi (et je l'espère pour pas mal tout le monde ici) ces deux diagrammes de Venn sont pas mal incontestables.