T'es vraiment en train de faire une gradation des indignés? Certains n'ont pas encore vu la lumière, ils ne sont pas prêts, je peux les guider...etc?
Désolé si ça sonne comme ça, mais c'est un phénomène naturel. Prend la souveraineté. Si elle est montée à 49,6% en 1995, c'est parce qu'il y avait du monde qui ont changé d'idée en chemin. D'autres ont changé d'idée à nouveau depuis. Ce n'est pas faire une gradation que de simplement constater que certains sont plus prompts à changer d'avis que d'autres ou à prendre position plus vite face à certains enjeux. Poune, par exemple, nous disait récemment qu'elle était mal à l'aise face aux éléments identitaires qui ont rejoints le PQ. Ça m'agace aussi, mais je ne suis pas rendu aussi loin qu'elle dans ce cheminement, même si je suis conscient que je risque d'y arriver. Dans d'autres cas, je m'indigne plus rapidement comme ici pour les wokes. Ça ne fait pas de moi quelqu'un de plus noble, ou pur ou mieux informé. Je suis juste plus sensible à ces questions de police de la pensée, comme Poune peut l'être sur la question identitaire.
Peut-être qu'en 2021 c'est encore trop tôt pour s'indigner et qu'en ce moment ça fait de moi quelqu'un d'intransigeant. Mais je suis convaincu que plus ça va aller plus on sera nombreux. Pontiak et Antagoniste ne sont certainement pas les seuls en Amérique du Nord à vouloir se dissocier d'une droite dans laquelle ils ne se reconnaissent plus. Je suis convaincu que ça va arriver aussi pour la gauche.
Pas une extrême gauche (terme beaucoup trop exagéré). Pas une "gaugauche" non plus (terme stupide et enfantin qui a toujours fait en sorte de diminuer les arguments de la personne qui l'emploie à mes yeux). Mais une gauche malaisante.
Il ne faut pas non plus jeter tout ce qu'on peut associer au "wokisme" avec l'eau du bain. Je pense par exemple aux gains que les personnes trans ont fait récemment* qui, sans ceux qu'on considère wokes, n'aurait sûrement pas été possibles.
Peut-être moins vite (et donc pas assez vite, j'en conviens), mais j'ai bon espoir qu'on y serait arrivé quand même. Le dernier siècle a été un long marathon progessiste. Les wokes sont nés il y a dix ans, ont appris à courir depuis cinq ans et prennent des stéroïdes depuis quatre ans. Oui quelques médailles d'or rapides, bravo, mais ces victoires-là, on aurait fini par les avoir anyway.
Et ces avancées-là ont le don de nous faire perdre de vue qu'il y en a un méchant paquet qui non seulement courent dans la mauvaise direction, mais veulent en empêcher d'autres de courir, leur dicter la "bonne manière de courir", les heures auxquelles ils devraient courir, comment s'habiller pour courir, etc.
Maintenant, si tu me parles de censurer des mots dans des livres ou de ne plus pouvoir enseigner Ducharme à l'université, ça c'est non! Inacceptable pour moi. Là je trouve que le mouvement se tire dans le pied et donne des munitions sur un plateau d'argent à leur détracteurs. C'est très délicat de vouloir faire dévier la façon d'enseigner à l'université et on devrait pouvoir avoir le droit de mettre les choses dans leur contexte. Et le niaisage, c'est de commencer à flouer des mots ou d'escamoter des passages.
Oui, c'est surtout ce dont je parle. Et j'en pense tout autant je l'ai dit de l'écriture épicène qui censure ouvertement des adjectifs (sous prétexte qu'on peut les mettre au masculin ou au féminin) et qui nous proposent de les remplacer par n'importe quel synonyme. Comme si tous les mots se valaient. Même raisonnemement que "remplaçons Ducharme par tel autre" ou "remplaçons Félix Leclerc par tel autre".
En passant je lis les réactions depuis ce matin et clairement, ça ne passe pas. Je vois plusieurs gauchistes dénoncer ça, c'est rassurant.
J'ai lu mes quatre articles du mois, mais je vais aller m'abonner juste pour ça.
Bon bon, c'est beau Estelle.
Je te promets de prendre la critique le jour où tu vas me sortir ça de façon approprié, mais contrairement à Estelle, je ne fais pas de la gérance d'estrade en affirmant "On aurait dû effectuer un virage pour éviter cet iceberg" (ce qui m'agace prodigieusement). Bien au contraire, je dis qu'il y a un iceberg droit devant. Non seulement il est là, mais on n'en aperçoit en ce moment que le 10% qui s'élève au-dessus des vagues.