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 L'Encyclopédie du Peuple

Auteur Sujet: Y FAUT QUE J’ÉCRIVE PLUS  (Lu 802 fois)

exademine

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Y FAUT QUE J’ÉCRIVE PLUS
« le: octobre 12, 2021, 07:41:03 am »
+5


J'avais 16 ans lors du premier jour de ma vie. C'était durant une visite du forum. Un simple post suffit à me changer, définir mon identité.

Le forum en était encore à ses débuts, deux-trois mois de l'ancien nouveau tout au plus. Un peu après l'affaire La Fille, un peu avant Montre-moi tes boules, le cosom pis toute. Le message était, en fait c'était le message initial d'un sujet. Le titre:

Y FAUT QUE J’ÉCRIVE PLUS

Le contenu était une image. Des hommes souriant qui dansent. En dessous on pouvait lire:
AAAAAAAAH AAAAAAAAAAH AHHAHAHAHSHAGBVHDASAVHJBJVBHJS BLOU BLOU BOUM BANG.

C'est la nature même du monde. Le cheval, la vigne, tout existe pour son devoir, son dessein. Celle des humains est d'être là pour son prochain. C'est le propos principal de Marc Aurèle dans ses Méditations.

On peut réduire la condition humaine à deux êtres ensembles. Deux frères. Deux amoureux. Des humains en guerre ou en paix. Pro Skub ou anti Skub.

Dans cette image je reconnu Octavio Dotel et Vinny Castilla, deux joueurs pour le club de balle des Astros de Houston. Ils célèbrent après avoir remporté un match ultime en séries éliminatoires. Le pouvoir de l'image sur moi était indéniable. Pour la première fois de ma vie je me sentais connecté au reste du monde.

J'ai ajouté ce sujet à mes favoris et chaque jour j'y retournais. Mon navigateur ne supportait pas les onglets encore, sinon il aurait eu droit à une place permanente.

Octavio a une canette de bière à la main. Il est en harmonie avec son coéquipier. Y FAUT QUE J’ÉCRIVE PLUS.

Ça revenait toujours à ça. Quel était ce besoin d'écriture? Pourquoi?
La casquette à l'envers, Vinny porte un bracelet dont la mauvaise compression d'image empêche de bien le lire. Y FAUT QUE J’ÉCRIVE PLUS.

Puis je m'en souviens encore, la première fois où je me suis demandé: mais qui doit écrire plus? Celui qui a parti le sujet. Alors je regarda au delà de cette image qui prenait toute mon attention pour déposer mon regard à gauche du rectangle reservé au message.

jesuisunpoil

Donc il y avait deux joueurs de balle qui dansent et jesuisunpoil.

Le nom était mystérieux. Je devais en apprendre plus. En fait à l'époque je ne savais pas le nom des joueurs encore. Je suis allé à la bibliothèque pour utiliser internet (je ne voulais pas dépasser mon data cap) afin de chercher l'image de tous les joueurs des Astros pour reconstruire le puzzle.

La bibliothèque de Pointes-aux-Trembles était fraichement neuve, en face du parc Clémentine, à côté du buffet Wally, fier restaurant vestigial à tradition Tiki. Petit frère du jardin Tiki, maintenant les deux longtemps disparus.

L'ancienne bibliothèque était d'une vestuté, on s'y rendait en pénétrant dans une porte de sortie de l'aréna puis en parcourant un labyrinthe de corridors à la vue sur les patinoires. Les murs étaient en gros bloc de béton, sans vue sur l'extérieur. C'était un placard avec un bruyant éclairage de néons. Relégué aux oubliettes dans la dernière parcelle d'immeuble municipal restante.

La nouvelle n'avait pas ce problème. Ses murs de fenêtres offraient le spectacle des terrains de balle du parc Clémentine. Baseball, encore.

Octavio Dotel. Vinny Castilla. jesuisunpoil
Y FAUT QUE J’ÉCRIVE PLUS

Ce sujet est un miracle de la création. Les éléments parfaitement alignés. Comme un Big Bang parfaitement orchestré, juste assez de chaque particule élementaire pour produire un univers stable, cohérent. Du nul, de rien, du gaz, des roches, la vie. Et si c'était le dessein propre de l'univers de créer ce sujet?

Encore chaque fois où je regarde ce sujet je vois la perfection.

Ça ne pouvait pas être un accident. Qui était ce jesuisunpoil?

Beaucoup d'autres recherches et d'engineering social plus tard, j'appris qu'il était un jeune adolescent banal de St-Amable, capitale de la patate de la rive-sud. Impossible, il devait y avoir quelque chose de plus, un philosophe réincarné, un chercheur de la kératine, n'importe quoi. J'étais encore naif.

Y FAUT QUE J’ÉCRIVE PLUS
Le mur blanc, le plancher brun, la bande bleue, le téléphone, la posture un peu penchée, la casquette à l'envers. Tous les éléments sont parfaits.

Souvent pour passer le temps je m'amusais à remplacer des parties de l'image par autre chose dans ma tête. La canette de bière devient un Zapper NES deuxième édition orange. Les hommes ne portent pas des souliers à crampons mais des presses à paninis.

Ça marche quand même. Peu importe la substitution, ça marche. Je ne sais pas comment l'expliquer. À l'époque je me suis dirigé en sciences pures au CÉGEP afin de pouvoir mieux comprendre le ratio d'or, les constantes de Feigenbaum et tout ce qui touche à la commensurabilité, dans l'espoir vain de comprendre ce phénomème.

Ça ne pouvait pas être une coincidence. jesuispoil devait être un génie. N'est-ce pas propre aux véritables génies de réaliser leur chef-d'oeuvre définitif dès un jeune âge? jesuisunpoil avait 14 ans. Plus jeune encore qu'Euler, Galois, Abel, Ramanujan, Taniyama.

Je faisais fausse piste. jesuisunpoil n'était pas l'auteur de la photographie. L'étude de l'image seule était un cul-de-sac. L'oeuvre consiste de l'ensemble. Heureusement, à ma dernière année de CÉGEP une coincidence inouïe me ramena sur le bon chemin.

En allant prendre l'autobus pour rejoindre des amis un après-midi d'été, j'ai vu une fillette à un stand de limonade au coin de la rue. Je ne la connaissais pas, elle devait être de la famille qui a acheté la maison en vente.

Il n'y avait personne au stand, elle s'occupait à dessiner quelque chose. J'ai jeté un coup d'oeil au dessin en passant. Deux hommes jouaient au baseball. Soit, c'était des figures très approximatives mais on pouvait reconnaitre le bâton et la balle à leurs mains. Une bulle au dessus d'un des bonhommes disait: "CALISS QUE JE TE HAIS LE SOCCER".

C'était comme si j'avais déjà vu une telle scène, c'était étrange. Où cette petite fille a-t-elle trouvé cette idée? Ça sonnait comme du jesuisunpoil. Je pensa qu'elle devait être une lectrice du forum, c'était big à l'époque. Oubliant mes autres obligations, immédiatement je retournai à la maison. Je cherchai le forum en vain, à la recherche du message que la fillette a dû reproduire. Recherche suçait trop, je m'aventurai à lire l'entièreté du forum jusqu'à ce que je m'endorme.

Le lendemain en me réveillant affaisé sur le bureau de mon ordinateur, je vis un nouveau message de jesuisunpoil: "CALISS QUE JE TE HAIS LE SOCCER". La fillette avait prédit le prochain message de poil?! Je me précipita à sa rencontre. Il n'y avait pas de stand de limonade. La porte de la maison, barricadée. Une pancarte À VENDRE sur la pelouse en lieu de l'entreprise fruitière. Le bruit du traffic étouffait mon silence.

C'était le deuxième jour de ma vie.

Élevé dans le Christianisme, le rejet de celui-ci à l'adolescence a créé un vide. Mon choc avec l'absurde a été brutal. Même encore, j'ai toujours ce processus dans le fond de mon cerveau qui cherche un sens à tout. Que je flirte avec l'existancialisme ou le stoïcisme n'y change rien.

Je suis toujours à chercher ce sens malgré moi. Incapable de me satisfaire de la condition humaine. Je peine à apprécier une production artistique si elle ne titille pas cette quête viscérale. Je creuse là où il n'y a rien.

Ce sujet, quand je le regarde, je vais plus loin que simplement comprendre que le concept de sens à la vie ne fait pas de sens. Je le réalise, je le deviens. La partie de baseball est terminée et je fête. C'est la seule chose qui m'appaise. C'est toujours là que je reviens à mes grands besoins.

"Y FAUT QUE J’ÉCRIVE PLUS" - mais quoi exactement? Ça n'a pas d'importance. Il faut vivre plus. Regarde les, la partie est terminée depuis maintenant des années, tout ce qu'il reste est ce testament d'une célébration pour une cause déliquescente.

Je me surprends toujours à trouver une nouvelle façon d'analyser cette oeuvre après tout ce temps. J'ai longtemps cru que le baseball était une piste à suivre pour mieux comprendre. J'ai étudié ce sport sous tous les angles. Je me suis laissé embarquer dans la folie de la partisanerie, l'euphorie de la foule, le tribalisme.

J'ai visité Cooperstown, traversé l'étendu américain pour y voir des matchs dans les grandes comme les petites villes. Franchi l'océan Pacifique pour comprendre comment ce sport se pratique là où le soleil se lève. J'ai vécu un an sous prétexte d'aide humanitaire parmis les plus démunis en République dominicaine, où les enfants passent le temps à frapper des boules de déchets en cuir avec des bâtons.

J'ai parcouru les modélisations sabermétriques avant même que le terme existe. J'ai reproduit l'ensemble complet des matchs professionnels depuis 1867 dans une machine de Turing et en laissant le système continuer comme un automate cellulaire à la jeu de la vie de Conway dans l'espoir vain de trouver des propriétés universelles émergentes.

Tout ceci ne m'a rien donné. Le baseball n'a rien à y voir. Après avoir tout épuisé les angles de recherche j'ai commencé le processus inverse, à déconstruire. C'est moi qui a projeté le baseball sur l'image. J'y ai introduit mon biais, puisque je pouvais y appliquer ma connaissance du contexte. Pourtant, il n'y a pas de bâton, balle ou gant sur l'image. Un nouveau né à qui on montrerait cette image ne dirait pas "baseball".

C'est comme ça que j'ai découvert que je devais laisser tomber mes constructions, mes bagages. Observer comme un nouveau né. Ne rien assumer, toujours découvrir. Absorber l'essence originelle des choses.

Qu'est-ce qu'un nouveau né dirait devant cette image?
AAAAAAAAH AAAAAAAAAAH AHHAHAHAHSHAGBVHDASAVHJBJVBHJS BLOU BLOU BOUM BANG

Nous étions aveugles tout ce temps. jesuisunpoil est sorti de la caverne de Platon et nous vomit les merveilles du monde intelligible directement dans la yeule.

Je n'ai plus besoin d'analyser en vain les ombres bigarrées sur la caverne de l'existance.
34 ans, vingt-six, presque dix.
Patrick est mort en 2012.
Je suis quelque part au dessus de la Russie, toi aussi mais pas au dessus.
Le petit bureau fermé qui sent le plastique et la vieille cigarette.
Le stationnement du Steinberg en pente avec la bande pour piéton bizarre.
La tendreté parfaite des nouilles.
La réponse du rally était les pylônes rouges et blancs en face de la pépinière.
Je n'ai plus de souvenir.
Qu'un catalogue d'images, portraits d'événements où j'étais peut-être présent.

L'humanité va finir par maitriser l'étendu de l'univers visible.
L'Homme va exister dans l'éternité qui s'achève en accélérant.
Ce ne sera même plus des humains.
Un mélange de synthétique et différentes lignées Sapiens.

Ils vont se connecter au flux universel et accéder aux archives du début de l'âge de l'information. Dans cent mille ans.

L'enfant du futur va tomber sur Y FAUT QUE J’ÉCRIVE PLUS.

Il va sourire, comprendre, transcender.
Il va vivre les mêmes émotions que toi et moi en ce moment et ce même si on est incapable de commencer à imaginer toute forme de bijection entre notre identité et ce que sera cet être.

Cet enfant c'est toi, c'est moi.
Il tient sa canette à bout de bras.
En dansant.

Charlemagne

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Y FAUT QUE J’ÉCRIVE PLUS
« Réponse #1 le: novembre 03, 2021, 04:16:12 pm »
+5
Imagine

Tu as 35 ans. Tu es au un parc avec tes enfants. Ta vie est pas mal, ton travail est pas ce que tu voulais mais c'est quand même payant, malheureusement pas assez pour faire les voyages que tu voudrais. En plus, c'est un dead-end. Ton char est au garage pis ta dernière à même pas encore perdu toutes ses dents pis tu sais déjà que ça va lui prendre des broches. Tes amis ont des enfants et t'a pu de temps à leur consacrer, pas plus qu'ils en ont pour toi. Desfois, il t'envoie un meme sur facebook du genre : TU SAIS QUE T'ES NÉE EN XXX QUAND ...

Ton genoux que tu t'es foulé au Cosom craque quand tu marche. Ton dos est pas terrible. Ta blonde rie de toi parce que tu perds tes cheveux et le soir, tu tombes endormis sur le divans après le souper. Mais hey ! t'es un lève tôt.

Tu t'es surpris à récouter toutes tes vieilles cassettes que tu as retrouvés dans une boite. Tu penses au passé mais surtout, au futur que tu voyais à l'époque.

PArce que tu es constament avec tes enfants, tu ne peux pu faire tes vieilles jokes vulgaires, tu fais seulement des jokes de pères. Des jokes universelle que tout le monde comprends. Facile, mais facile. C'est tout ce qui te reste de ton humour.

Soudainement, une personne fin trentaine au téléphone  s'écriT : IL FAUT QUE J'ÉCRIVE PLUS !

Cette personne ne le sait pas, mais c'est toi qui a créée cette phrase. C'était il y a si longtemps. La personne marche à côté d'une légende inconnue sans le savoir, c'est ton secret.

Tu souris, en pensant que tu es encore influent. Ton plus vieux te demande pouquoi tu souris et tu lui réponds: parce que vous êtes beaux quand vous jouez.

Le mystère des premiers créateurs de contenus.

exademine

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Y FAUT QUE J’ÉCRIVE PLUS
« Réponse #2 le: février 14, 2022, 10:48:37 am »
+1
Il faut que j'écrive plus. Pourquoi ça m'a pris autant de temps réaliser que de mettre sur écrit mes pensées décuplait mon processus cognitif?

Écrire plus, sans nécessairement partager à un public externe, ce qui peut nécessiter maintes passes de révisions additionelles; Le but n'est pas de noyer le discours public avec des niaiseries ou de l'écriture automatique. Le but est d'explorer ses propres idées en profondeur. 95% du temps ça ne produit rien qui est intéressant pour quelque d'autre que soit et c'est correct.

La peur. Rien écrire parce que les choses qu'on pense ne sont pas celles qu'on voudrait que les autres sachent qu'on pense. Un texte est la finalité d'un processus cognitif fixé dans le temps. Ça se peut que le résultat présent soit du caca. Mais si on n'essaie même pas de produire ce potential caca, ça veut dire qu'on veut pas se connaitre soi-même. On refuse d'explorer nos idées. On se refuse.

Le processus cognitif continue après l'écriture. Ça peut devenir autre chose, un meilleur caca.

Comme de l'exercice physique pour la cognition.
Comme l'exercice physique, la plupart des gens diminuent beaucoup leur quantité produite à la fin des études.

La citation fameuse de Blaise Pascal: "Tout le malheur des Hommes vient de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre." Les Hommes sont mal à l'aise avec le silence, lorsque tout ce qu'il y a est ce processus cognitif, lorsque seul avec eux-mêmes. Le seul remède est de dompter ce processus. L'écriture, la structuration de la pensée en est l'outil ultime. La méditation et autres techniques de pleine conscience sont pertinentes à l'éveil et le contrôle de cette conscience mais impuissante quant à son développement.

Sans vouloir être tautologique, on est seulement soi-même. Tout ce qu'on devine de l'univers est interprétation de notre cerveau à des stimulis. Se refuser c'est la pire chose.

Est-ce que jesuisunpoil était un visionnaire?
La loi des titres selon Betteridge dit que non. Le récit étiologique est simplement que j'étais en train de lui parler sur MSN pendant La Fille quand je lui ai dit qu'il faut qu'il écrive plus, parce que je voulais juste qu'il écrive plus de niaiseries sur le forum. C'est l'étiologie de pas mal toutes les interventions de poil sur le forum avant l'ère du cosom.

Poil était mon confident internet pendant l'adolescence. Des échanges sans arrêt à journée longue lorsqu'on était devant l'ordinateur. Un flux de pensées direct perpétuel. Même en l'absence de conflit de privacité, je serais incapable d'en partager quoi que ce soit. On avait notre propre meta langage vaguement incompréhensible et inintéressant pour tout le monde, même concerné.

J'ai relu mes archives de messagerie instantanée afin de retrouver le passage exact de 2005. On était intense en esti. Les émotions pure de l'adolescence. Des niaiseries honnêtes, sans ironie. Il n'y avait qu'une ligne directe de nos cerveaux au clavier. Tout était jeu, dans le sens pure: exploration.

Malheureusement, j'ai découvert que mes archives manquent pour plusieurs mois autour de la période de La Fille. "Problème d'ordi" est toute l'information que j'ai laissé à mon moi futur. Tout ce qu'il en reste est cet hommage ytmnd. C'est peut-être une bonne chose. Le moment n'existe plus que dans mes souvenirs. Le mythe nait. Le mythe a plus de valeur comme mythe que comme ce qu'il représente directement.

L'album mythique soupconné perdu pour toujours All Lights Fucked on the Hairy Amp Drooling a été leaké la semaine dernière. Il est particulièrement médiocre. Comme si on avait découvert un enregistrement qui prouve que Jésus a vraiment existé et tout ce qu'on peut entendre n'est que des paraboles incompréhensibles sous forme de rots.

L'autre jour ma liste de lecture aléatoire pendant un trajet automobile de moyenne distance a joué une pièce de noise/experimental inconnue s'aliant parfaitement avec le combo décor/météo. Un moment où tout clique dans l'épiphonologie sensorielle. La lecture n'a pas été enregistrée par LastFM. Je n'ai aucune preuve que ce moment a existé autre que mon souvenir. Trouver le morceau de musique dans ma gigantesque librairie est une tâche vaine. En fait qu'il ait existé pour vrai ou non ne fait pas de différence. Et même si je le trouvais je ne pourrais être que déçu.

Est-ce que jesuisunpoil était un visionnaire?
La loi de je viens pas de toute écrire ça pour rien dit oui. jesuisunpoil nous montrait la solution à l'absurde du monde moderne, ce refus de soi-même, des autres.

Le paradoxe du choix, se refuser parce qu'il pourrait toujours y avoir quelque chose de mieux. Avoir peur d'être déçu donc ne jamais rien faire. Une grand-mère qui recouvre ses divans de plastique pour le protéger et qui n'apprécie jamais l'expérience complète qu'offre son textile. Une existence d'appréhension, d'inaction. Une vie de purgatoire pour des péchés prématurément avortés. Se cacher derrière un voile d'ironie.

Mary Poppins fait fausse route. On ne peut pas rendre les choses magiquement amusantes par magie ou en chantant. Les corvées seront toujours les corvées, ce n'est qu'en les approchant exactement pour ce qu'elles sont qu'on peut cesser le refus du monde.

Marie Kondo et autres marchands de bonheur de pensée positive sont des charlatans. Les choses ne sont pas des esclaves à qui on peut réclamer du bonheur spontanément. Les propriétés émergent des choses lorsqu'on les considère et traite honnêtement pour ce qu'elles sont.

jesuisunpoil est un prophète moderne. Le jeu, l'acte délibéré de travailler avec une structure sous toutes ses limites. Le forum était notre terrain de jeu. Les limites des échanges avec d'autres humains via un logiciel, en espérant rien de plus.

Le bonheur est fondamentalement égoiste.
Le jeu est altruiste.

jesuisunpoil voulait écrire plus. Il voulait jouer plus.

Écrire plus dans sa tête. L'exploration du processus mental est une forme de jeu avec soi-même.
Ça doit être un tremplin. Le monde ne doit pas être rejeté comme les moines reclus.

Je sais pourquoi ça m'a pris autant de temps à le réaliser.
C'est parce que j'essayais d'écrire comme si j'étais quelqu'un d'autre. Je ne parle pas de l'identité au sens pseudo-spirituel boboche ou d'un fatalisme naif du genre on ne peut jamais changer qui on est "vraiment". Il y a un flux constant d'émotions, d'idées dans le cerveau en réaction aux stimulations externes ou internes. La conscience est simplement lorsqu'on les réalise. C'est tout ce qu'on est. La vigie a toujours quelque chose à voir.

Il y a toujours quelque chose. Des choses à prendre pour ce qu'elles sont plutôt que ce qu'elles manquent.
Il n'y a pas de métaphore secrète.

Je n'étais pas capable d'écrire comme un autre donc j'ai arrêté d'écrire.
Je suis mort et je suis ressucité.
Je suis un poil.

Il faut imaginer Sisyphe heureux, pas parce qu'il s'imagine être ailleurs mais parce qu'il se consacre entièrement à sa tâche; il observe les nuances de ses contractions musculaires, il étudie la texture du rocher sur sa peau, les tremblements du sol. Il joue avec sa cadence, sa force, il exploite les limites dédiées à son existence. Le rocher peut éroder la montagne, produire des épigraphes. Sisyphe peut écrire plus.

Charlemagne

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« Réponse #3 le: février 15, 2022, 05:27:15 pm »
0
Tu as réussis à écrire du Post-Rock.

Sans sens mais ô bien senti.

 


Berslak

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« Réponse #4 le: février 15, 2022, 06:16:46 pm »
0
Tu as réussis à écrire du Post-Rock.

Sans sens mais ô bien senti.

De ce que je connais de lui, je pense que tu viens de lui faire le plus beau compliment qu'il pourrait avoir.
Je suis ici seulement pour m'exprimer un peu et non pour discuter activement sur plusieurs messages. Merci de respecter mon désir de m'exprimer à petites doses.

sharl

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« Réponse #5 le: février 15, 2022, 09:57:22 pm »
0
Sisyphe est même devenu un heureux bousier!

Quant à  :smiley14: faudrait que j'écrive moins,,, 


Charlemagne

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« Réponse #6 le: février 17, 2022, 06:50:15 am »
+1
Mes parents se sont divorcés quand j'avais 15 ou 16 ans. C'est flou, je me rappelle d'être passé d'un âge ou le mélange de l'enfance fait que nous sommes encore plein de rêve à un monde froid et humide. Le printemps était froid et humide et les classes était grise.

Ça me revient, j'avais 16 ans. Comme cadeau d'adieux, ma mère m'a donné l'album OK.Computer.

C'était évident que ça allait arriver; mes parents faisaient chambre à part depuis au moins 4 ans. En fait, je n'ai pas vraiment souvenir d'avoir vu mes parents heureux ensemble. Tout au plus à mon baptême, ils étaient souriant sur la photo.

Même si ma mère vivait dans notre maison, elle était déjà ailleurs. En se cherchant, elle trouva plusieurs amis et amies dans plusieurs sectes. Plusieurs religion aussi. Le crucifix si précieux fut tassé pour faire place à un immense Bouddha qui me souriait bêtement quand j'arrivais de l'école. Puis bouddha fut lui aussi tassé pour laisser place à Shiva. Ma mère avait décidé de travailler de soir, pour avoir plus de temps pour elle. Elle dormait le matin quand je partais, je dormais quand elle arrivait. Ma mère était une odeur d'encens car pendant 4 ans, c'est tout ce que j'ai connu d'elle. Mais amis parlaient de leur mère, moi, j'entendais parler de la mienne. Les insultes sur ma mère ne me touchait pas, elle n'était que fumée, elle était insaisissable.

Lors du divorce, elle déménagea dans un appartement proche de mon école. Puis, soudainement, elle déménagea à Montréal, dans Aunthsic, dans un petit 1 1/2 au sous-sol avec pour seul mobilier, un coffre recouverte d'une élégante peinture indienne (j'imagine qu'il y a un nom pour ce style de peinture). C'était avant son exil pour les montagne de la Beauce. Manifestement, elle s'épurait pour préparer cet exile. Le bloc au complet était rempli d'odeur d'épice du monde et d'accent chantant. Ma mère était la seule caucasienne mais elle se fondait parmis eux. Ses voisins lui amenaient de la nourriture et surtout, encore de l'encens.

Durant toutes cette époque, ma mère écrivait. Des tonnes et des tonnes de papier, ça en était ridicule. C'était une passion. Elle ne l'a jamais dit mais tout son âme le criait: Y FAUT QUE J'ÉCRIVE PLUS. Elle achetait un cahier, elle écrivait, puis elle brulait le cahier. Ainsi de suite.

Un jour, elle réalisa que le bac de récupération à son travail était remplis de papier. Des tonnes de papier qui ne demandait qu'une seconde vie. Alors elle m'appela; viens m'aider à porter le papier. Je prix l'Autobus, puis le métro et rendu là, je pris des sacs de poubelles remplis d'électrocardiogrammes. Car c'est que ma mère faisait, elle écoutait les cœurs. Nous avons fait au moins 10 voyages, l'appartement était plein. Au revoir la table, place à un autre sac de papier. Pas de table, à quoi bon la cuisinière ? D'autres sacs de papier.

La seule chose qui nous sépare de notre folie est les moyens que nous avons d'accomplir notre folie. Ma mère n'avait plus de limite.

Il faut qu'elle écrive plus.

Former les lettres lui prenaient trop de temps. Trop d'énergie. Et de toutes façon, l'entropie ne pouvait être défiée, les lettres devinrent des gribouillis.

Elle devait encore écrire plus. Pour elle. Pas pour personne d'autre. Alors continua la destruction des codes, elle cessa de lever son crayon, elle ne fit plus d'espace. Bientôt, il n'eut plus d'espace pour personne d'autre, pas même pour moi.

Son crayon allait et allait, comme une plume prise dans les griffes du vents. Comme la baguette du chef d'orchestre, elle dirigeait le rythme de sa vie.

Elle ne garda que de l'humanité que le gout des lignes. Elle qui avait passé sa jeunesse à corder du bois avec son père, elle cordait les lignes. Elle cherchait la pureté de la création, elle cherchait à revenir au mouvement même de sa vie: écrire plus.

À force de chercher la pureté, elle la trouva, et elle s'y connecta. Elle écrivait maintenant directement avec ce qu'elle appelait "l'énergie quantique". Chose que je ne savais pas lire. Pour moi, ma mère se tut car je ne comprenais pas ce qu'elle essayait de me dire.

Lorsqu'elle partit pour la Beauce, ce fut moi qui fut obliger d'aller ramasser tout le papier. Des tonnes de papiers que j'enfouissais dans de grand sac de poubelle. Au hasard, je pris une feuille pour essayer de déchiffrer son écriture. Un rayon de soleil traversa la fenêtre pour aller frapper le recto de la feuille sur lequel se trouvait les tracés de l'électrocardiogramme. Les deux tracés étaient presque identiques. Et je compris, ma mère s'était connecté directement sur son cœur et elle en écrivait les mouvements.

Elle voulait que son cœur ne s'arrête jamais
Elle voulait vivre encore et encore.
Il fallait qu'elle écrive plus.

À l'école, pendant mon cour de théâtre, pour une raison qui s'est perdue dans la mer des choses, un jeune étudiant nommé Benoit amena sa guitare acoustique et tandis qu'on attendais à l'arrière pendant les pratiques, il grattait et chantait pour lui-même. Benoit n'étais pas grand pour son age, mais en contrepartie, il était barbu et poilu mais poilu, chose encore rare, nous avions 16 ans. C'est comme si il était rempli de poil et que sa petite taille faisait qu'il manquait de place, le poil lui sortait de partout. Une grande blonde lui demanda de jouer Radiohead et il s'executa, je reconnus les premières note de Paranoid Android. Il dut s'interrompre, on l'appelait à l'avant, et je décidais d'essayer sa guitare pour continuer la chanson. Quand il revint, je lui rendis l'instrument. Il me dit: t'es bon, mais tu n'as pas d'émotion. Check ça.

Il refit la chanson, lui donnant tout son âme. N'importe qui qui a déjà entendu un bon artiste jouer de la musique, que tu aimes ou pas la pièce, elle te touche. Et soudainement Benoit devint beau et lumineux, j'en fut presque aveuglé. Je suis certain que le battement de mon cœur s'adapta à son exécution de la chanson.  Ma perception de la vie changea.

Après le cour, je vis le soleil par la fenêtre du corridor et je pensa à voix haute ma surprise que la pluie ait enfin cessé. La grande blonde se m'entendis et se tourna vers moi en souriant
   - De quoi tu parles ? Ca fait 2 mois qui fait beau. T'es bizzare.

Mais je me foutais des grandes blonde. Tout ce qui comptait pour moi était d'écrire plus. Toujours plus. Je compris finalement ma mère et maintenant, sans parler, nous communions.

Il faut que je vive.
Il faut que mon cœur batte.
Il faut que j'écrive plus.
Y faut que j'écrive plus.