Si je peux me permettre... Est-ce qu'il faut attendre un certain nombre d'années avant de tourner un film ou écrire un livre qui dénonce l'insoutenable?
Pas du tout, mais c'est toujours intéressant d'explorer de nouvelles pistes et celle lancée par Simone en est une intéressante à mon sens.
La plupart des films comporte une certaine distance critique alors que The Social Network porte sur le site de réseautage social le plus fréquenté de l'année (il y a même certaines semaines où Facebook compte plus de visites que Google). Les seuls autres films qui sont si peu distants de leur objet sont, à mon avis, les trois que j'ai identifié dans la liste.
Je suis d'accord avec tes trois choix, mais j'en ajouterais d'autres pour deux raisons.
D'une part, il ne faut pas perdre de vue le temps de production que nécessitent les films en question. Du coup, la date de sortie n'est pas le meilleur indicateur.
D'autre part, la "distance critique" comme tu l'as nommée (qui est ce qui m'intéresse le plus dans ce cas-ci) dépend aussi du sujet réel du film. Aussi, tu me permettras de les passer en revue à mon tour...
Je mettrais
Piché : entre ciel et terre et
Hotel Rwanda dans le même panier. Même en invoquant le temps de production, ils restent assez distants des événements qu'ils racontent et on peut dire que la réflexion était achevée au moment du tournage. Pour
Hotel Rwanda, on pourrait quand même dire qu'entre le moment où le génocide s'est produit et le moment où le grand public en a pris connaissance, il s'est passé un long moment, mais ça ne change rien au temps de réflexion. On peut donc les écarter.
J'enlèverais aussi
World Trade Center, parce que si les attentats du 11 septembre 2001 sont au coeur
Fahrenheit 9/11, ils ne sont qu'en toile de fond de
World Trade Center (les pompiers étant pris sous les décombres étant ici le vrai sujet). De ce fait, la réflexion de Michael Moore est beaucoup moins distante - et plus lourde, mais ça c'est le propre du documentaire.
C'est un peu la même chose pour
Bowling for Columbine et
Elephant de Gus Van Sant encore que ce dernier soit une fiction, quand bien même serait-elle fortement inspirée. Ce qui ne veut pas dire qu'elle ne fait pas réfléchir, bien au contraire.
Plusieurs ont fait le rapprochement entre
The Social Network et
Citizen Kane. Un peu parce que Zuckerberg et Hearst sont tous deux fabuleusement riches, mais surtout parce qu'ils oeuvrent en communication. Et il y a une certaine parenté dans le propos, puisque
The Social Network n'est pas vraiment un film sur Facebook. Tout comme
Citizen Kane, le film est davantage axé sur les différents entre le protagoniste et certains membres de son entourage. Autrement dit : quels orteils a t-on écrasés en se hissant au sommet?
J'enlèverais
All president's men pour les mêmes raisons que
World Trade Center, puisque le film porte beaucoup plus sur l'enquête de Bernstein et Woodward que sur le scandale lui-même. Et bien que l'Amérique était encore... je ne dirais pas sous le choc, mais disons... désabusée par le Watergate, l'enquête elle, était terminée (même si d'autres faits ont vu le jour depuis).
Dog Day Afternoon, c'est un peu différent dans le sens où on explore aussi la fascination du public (y a aussi toute l'histoire de l'homosexualité du personnage joué par Pacino) pour ce type d'événement et le rôle de la télé en directe (un peu la même chose pour
Natural Born Killers de Stone et pour le film québécois
Rafales, même si ce sont deux fictions).
Redacted est aussi différent, mais cette fois par le regard posé sur le médium. Le récit se déroule à travers plusieurs supports différents (vidéos enregistrées par les soldats américains à l'attention des membres de leur famille, images de documentaires tournées par une équipe de France, nouvelles du soir, caméra de surveillance placées un peu partout, et même des opinions du grand public à propos de la guerre en Irak diffusées sur YouTube). Le film n'est pas très réussi, mais il fait le constat de la diversité des sources d'information et par conséquent, offre une réflexion très actuelle sur le fait que plus personne sur la planète n'est désormais informé de la même manière.
Reste
The Great Dictator qu'on pourrait qualifié de visionnaire, presque prémonitoire.
Et puis
W. dont la réflexion était achevée en ce qui concerne le volet de la vie privée de Bush, mais en cours en ce qui a trait à celui portant sur le "pourquoi on a commencé par aller en Irak avant d'aller en Afghanistan", et ce, pour le bénéfice des 412 Américains qui ne le savaient pas encore.
Bref, bien du plaisir à "réfléchir à haute voix" à tout cela.
Simone t'as fait ma journée.