Je fais ceci sans relire mes notes dans le sujet sur les dix albums marquants, alors veuillez pardonner la répétition, en espèrant que ça n'ennuit pas trop de monde. Aussi il va de soi y avoir un excès de namedropping alors de grâce, soyez indulgents, j'essaye simplement de tisser des liens qui me semblent importants.
Pré-adolescence: pas grand chose de notable là, je suis exposé à ce que mes soeurs aînées écoutent, pas mal exclusivement de la pop, il y a des vers d'oreilles qui m'accrochent mais rien qui me passionne.
Début d'adolescence: je découvre Guns N' Roses, je ne sais plus trop comment car c'est lointain, mais j'imagine par MusiquePlus. Le rock m'attire plus, je trippe pas mal et je me joins à des amis qui commencent à jouer de la guitare électrique, puis à part du métal plus connu comme Metallica et Ozzy Osbourne j'acquiers un fort focus sur la musique fortement axée sur la guitare. En tant qu'ado aisément impressionné par ce qui est "extrême" et rapide, je jette mon dévolu sur les Van Halen, Joe Satriani, Yngwie Malmsteen et surtout Steve Vai de ce monde avec leurs prouesses, ainsi que leurs nombreux pâles imitateurs. C'est une phase qui dure quelques années certainement, Vai étant particulièrement significatif du à son association à Frank Zappa, immense découverte car c'est tout un monde à explorer. J'écoute encore FZ assez régulièrement (je ne peux pas en dire autant de ce que j'ai nommé avant), car c'est beaucoup plus que des solos de guitare, mais tout une musique assez unique dans le monde du classic rock, si on peut appeler ça ainsi, avec des compositions plus complexes aux influences jazz et classiques (sans tomber dans la prétension artistique du rock progressif ou le snobisme froid du jazz fusion), le sens de l'humour, les concepts dada et tout le reste. En tant que jeune guitariste passionné de musique, je trouve Zappa beaucoup plus satisfaisant et enrichissant que les Led Zeppelin, Pink Floyd et Aerosmith de ce monde, quand on me pointe à ce qui est venu avant.
Ici je vais déroger brièvement de la chronologie pour faire un dernier callback à Vai, significatif aussi pour avoir eu un très jeune chanteur canadien du nom de Devin Townsend sur un de ses disques du temps, musicien dont je me trouverai peu de temps après à suivre la carrière assidumment jusqu'à ce jour, en commençant par le solide groupe métal Strapping Young Lad (probablement le haut point de sa carrière, venu tôt) jusqu'à ses plus récentes exploration dans toutes sortes de genres notamment un style de métal plus progressif qui ne s'agence aucunement avec le reste de mes préférences dans le genre, mais c'est un exception que j'affectionne encore tout de même pour cet artiste, que j'ai aussi vu assez souvent en spectacle. Un entertainer de première classe et un musicien dont j'admire le niveau de persévérance et confiance en sa vision.
Conjointement à cette période d'obsession pour la guitare, je suis fidèle au poste quand SolidRok joue à MusiquePlus chaque semaine et je me fais exposer à plusieurs genres de métal auxquels je vais retourner beaucoup plus tard pour redécouvrir et approfondir. Death, Pestilence, Entombed et Morbid Angel dans le death metal, Voivod un peu, et c'est encore trop tôt pour être exposé à la deuxième vague de black metal (Mayhem, Darkthrone, etc.) qui deviendra plus tard de loin mon sous-genre favori de métal, avec le death en 2e position. Curieusement par contre, c'est Primus qui est ma plus importante découverte par le biais de cette émission, étrange car aujourd'hui on se demande un peu ce qu'ils faisaient là (et même si le guitariste Larry Lalonde était dans le groupe métal The Possessed à l'époque de leur classique Seven Churches, avouons que Primus n'avait pas grand chose de vraiment pesant, faut croire que SolidRok râtissait large à l'époque.) Gros coup de coeur (le jeu de basse électrique très proéminent et impressionnant de Les Claypool vient me rejoindre), les chansons sont étranges mais accrocheuses, et peu de temps après je pars de Sherbrooke pour aller les voir au Metropolis pour la tournée Pork Soda, avec des cartes empruntées à une connaissance d'âge légal (dont je dois me servir! comment un ado de 16 ans pu passer pour 28(!) m'ahuri encore, faut croire que le doorman qui checkait les billet et cartes d'identités s'en foutait un peu... le pire c'est que j'ai pas bu une goutte, j'étais vraiment juste là pour la musique.) The Melvins ouvrent le show et ça me semblait un peu ordinaire dans le temps, je ne portais pas trop attention et ne saisissait pas, dommage car aujourd'hui j'ai pas mal plus de respect pour leur approche colorée au rock avec leurs influences métal, stoner, doom, etc.. J'en profite pour faire un à-côté car ils proviennent de cette scène de Seattle: durant cette période ou un peu plus tôt, le grunge arrive avec ses Nirvana, Alice In Chains, Pearl Jam, Soundgarden, etc. et ça me laisse froid, je préfère de loin le métal et mes autres intérêts. J'apprécis par contre que l'émergence du style a aider à terrasser le glam et pop métal affreux du temps (on pense aux Winger, Poison, Mötley Crüe, et pire (!)), bon débarras.
Internet arrive en ville et de là les découvertes se font plus rapidement et aussi ça me permet de prendre les tangentes plus étranges qui me passionnent à ce jour. Je m'inscris à des listes de discussion par email et des forums, puis des listes d'envois de nouveautés de disques de quelques magasins spécialisés, je passe leurs catalogues au peigne fin et plusieurs termes m'accrochent. Je me devance un peu, c'est un gros changement ici mais de me rappeler l'origine exacte, pas évident. Piste possible: dans un groupe de discussion sur Allan Holdsworth (guitariste jazz fusion découvert lors de mon trip musique de guitare instrumentale), des membres dressent leurs listes de favoris de l'année, ce qui suscite mon intérêt alors que je suis avide de découvertes dans ce monde tendant davantage vers le jazz, que je connais très peu. Vav, un album de Masada, provoque assez de discussion et pique ma curiosité. C'est un groupe de John Zorn, un point tournant majeur.
En fin de compte Masada, un quatuor jazz solide mais pas trop aventureux comparativement au reste de son oeuvre, me laisse presque de marbre, mais des trucs comme PainKiller et Naked City, ouf... on est vraiment ailleurs, ces deux groupes de Zorn mélangent jazz/harcore/métal et plus, je n'ai jamais rien entendu comme ça. Je crois avoir relaté l'épisode dans l'autre sujet, mais trouver ces disques à cette période était tout un défi: je ne magasinais pas vraiment sur internet encore donc l'offre était moindre, et les quelques disquaires de Sherbrooke n'avaient pas une sélection exceptionnelle pour ce qui est des trucs non-conventionnels. Cependant avec quelques chums du secondaire on monte à Montréal voir Primus (troisième prestation dans mon cas je crois, les ayant vus à Verdun avec la même gang pour la tournée Tales From The Punchbowl, cette fois-ci c'est pour The Brown Album alors on se trouve environ en 1997 et de retour au Métropolis) mais on arrive tôt pour passer une partie de la journée dans les magasins de disques où enfin je trouve certains albums convoités, notamment Spy vs Spy de John Zorn et le premier disque de son groupe Naked City. J'apprécie le concert plus tard mais je trépide davantage à l'idée de pouvoir retourner à la maison pour enfin écouter ces classiques dans son oeuvre. Naked City, issus de l'éclectique scène dites "Downtown" de NYC (à l'opposée de la scène "uptown" plus sérieuse et académique, moins bizarre et beaucoup moins inclusive) particulièrement m'ouvre la porte à de forts importants membres de cette communauté vaste qu'on peut nommer musique actuelle (qui comprend, selon les définitions, toutes sorts de musiques expérimentales et avant-gardistes, comme le free jazz/free improvisation (dans sa tendance plus européenne), la musique concrète, électronique, électroacoustique, musique d'ordinateur, rock progressif et R.I.O. (Rock In Opposition), compositiion contemporaine d'orchestres ou autres ensembles, bruitisme, etc.), notamment Fred Frith (membre fondateur d'Henry Cow et d'Art Bears, et improvisateur très prolifique), et Eye Yamatsuka (membre fondateur des Boredoms, groupe japonais très intense et étrange). A travers une liste de discussion email de John Zorn et de ses deux importantes étiquettes de disques (Tzadik et Avant), je découvre un tas d'artistes reliés à la musique actuelle, dont je n'essayerai pas de tout nommer car ça serait impossible, je vais tenter de m'en tenir à ceux qui ont eu le plus d'impact, mais bien sûr c'est difficile de se limiter à dix en tout et partout pour cet exercise.
Je remarque une ou deux confluences intéressantes ici, et en recherchant les dates de certains événements et sorties de disque, c'est fou comment tout déboula assez rapidement (et en toutes sortes de direction) dans cette période. Premièrement, un court profil sur le curieux guitariste masqué Buckethead dans le périodique Guitar World me renvoye à un vieil article datant de 1992 décrivant un album de Praxis dont il fait partie comme étant une vision futuriste d'une forme mutante de métal (si c'est le cas, on n'est pas rendu là encore, l'étrange mélange de styles et approche dub de ce disque ne faisant pas grand adeptes je crois), ça ne m'en prends pas plus pour essayer de dénicher ce titre, je ne sais pas où et quand mais certainement alentour de la même période décrite ci-dessus avec Zorn. Un certain Bill Laswell, bassiste et réalisateur assez renommé se trouve à être l'architecte derrière ce groupe. Son univers est tout un autre à explorer, qui s'entrecroise certainement avec la musique actuelle: Laswell fait partie du trio PainKiller mentionné ci-haut avec John Zorn et Mick Harris (un des fondateurs du groupe grindcore Napalm Death), était aussi membre du groupe Massacre avec Fred Frith dont j'ai parlé brièvement, puis il a aussi pris part à Last Exit avec des génies du monde de l'improvisation et du free jazz: Peter Brötzmann, Sonny Sharrock (qui a joué avec Miles Davis dans sa période électrique) et Ronald Shannon Jackson (batteur pour Cecil Taylor, pianiste légendaire.) Dans Praxis on retrouvait aussi Bootsy Collins et Bernie Worrell connus pour leurs contributions aux groupes Parliament-Funkadelic et effectivement des géants du funk (Bootsy a même joué pour James Brown), et Brain, batteur qui remplaça Tim Alexander dans Primus pour le Brown Album, que je connaissais pour son association avec Praxis à l'époque du concert ci-haut en 1997, pour se situer un peu. Drôle de coincidence mais c'est clair que dans ma tête tout se rejoint alors.
On revient à Zorn pour faire un lien vers une autre découverte majeure: il se trouve à être réalisateur sur le premier album de Mr. Bungle; ce n'est sûrement pas la seule raison pourquoi je me suis tourné vers ce groupe, mais quoi qu'il en soit, l'effet fut assez intense. Sur le coup j'ai un peu de retard à prendre, les deux premiers albums de ce groupe étant sortis en 1991 et 1995, et quoique le premier est assez divertissant avec son funk-métal injecté de bizarreries, échantillons cocasses et humour infantile, c'est le deuxième, Disco Volante, qui avec ses multiples grandes influences du monde de la musique actuelle me lance encore plus profondément dans ce monde. D'ailleurs je ne suis pas le seul à passer par cette porte, plus récemment à travers divers entrevues et podcasts je constate qu'un tas de musiciens dans la scène contemporaine de musique actuelle tirèrent beaucoup de leurs influences par l'entremise de ce 2e disque de Mr. Bungle. En plus, je suivis de près par la suite les carrières de deux de ses membres fondateurs, le chanteur Mike Patton et guitariste Trey Spruance. Patton a fait plusieurs autres projets intéressants après la fin de Mr. Bungle (dont j'attendis avec impatience la sortie de leur 3e et dernier album California en 1999) dont Fantômas particulièrement (groupe avec Dave Lombardo de Slayer (!), Buzz Osbourne des Melvins (voir référence ci-haut) et Trevor Dunn de Bungle lui aussi, qui fit parti d'un tas d'autres projets avec John Zorn lui-même plus tard.) Trey Spruance quant à lui lança en parallèle le groupe Secret Chiefs 3, unité principalement instrumentale qui explore des zones connexes au travail de Mr. Bungle et bien plus encore et roule toujours. J'ai tous leurs albums et je les ai vus en concert plus que tout autre entité (la première fois aux Foufs en juin 2000 avec Estradasphere en première partie), le mélange de styles que ce groupe représente est un réel coup de coeur qui vient toujours me chercher après tant d'années. Un genre d'aboutissement.
Sorte de consécration à travers un événement marquant: j'assiste à mon premier FIMAV (le Festival International de Musique Actuelle de Victoriaville, actif annuellement depuis 1983) en 1998, y étant fidèle depuis, allant y voir bon nombre de concerts à chaque année. Ce premier concert fut le trio d'improvisation Hemophiliac, comprenant nul autre que John Zorn, Mike Patton et Ikue Mori. Les liens sont clairs avec mon cheminement ci-haut. Le festival présente d'une année à l'autre un tas de musique en plein dans mes cordes, avec beaucoup de free jazz, de la musique électronique, du rock qui sort hors des normes et de la musique "classique" contemporaine qui sort des chantiers battus aussi.
Qu'arrive-t-il de mon affection pour le métal pendant ce temps? Je perds la scène de vue un peu, aucun intérêt pour le nu metal quand ça arrive et je ne suis pas trop au courant des derniers développement. Je ne sais plus trop dans quel contexte mais je tombe sur le groupe The Flying Luttenbachers d'un certain hurluberlu au nom de Weasel Walter, à la personnalité assez forte. Un entité qui touche à plusieurs de mes intérêts, son groupe semble changer d'album en album (non seulement en style mais en personnel, lui seul étant le point commun), certains disques étant clairement dans le free jazz (mais très aggressif), d'autres trahissant des influences plus progressives ou zeuhl (ils reprennent Magma, un groupe Français assez marquant), et plusieurs ayant un mélange de rock/punk/no wave. On sent un attirance pour les styles plus intenses de métal, dans l'attitude des musicien et la manière dont ils attaquent leurs instruments, sans que ça soit nécessairement métallique comme son. A seulement décrire les styles ici invoqués on croirait avoir affaire à un autre Naked City, mais le résultat est tout autre, ça vient d'ailleur mais ça vient me chercher tout autant. Chaque album est différent mais intéressant et on sent un évolution qui part dans toutes sortes de directions. Comme je fais avec nombre d'autres artistes qui viennent me chercher, je veux en apprendre davantage et aller chercher ses influences; la tâche m'est rendue assez facile dans ce cas car Weasel a un site web pour sa maison de disques où il décline sur une page un grand nombre d'albums importants selon ses goûts; je plonge dans cette liste qui traverse grand nombre de genres, dénichant autant que possible chaque album des racoins du web, du moins ceux avec lesquels je n'étais pas déjà familier. Une fraction de ces recommendations enthousiastes tombe dans le métal, m'ouvrant à des albums de black et death que je ne connaissais pas et tout un mouvement (la deuxième vague de black metal) qui a fait bien des petits. Chaque sous-genre est très poussé et les groupes se spécialisent pour se démarquer, puis quoique les fervents et adeptes de ce territoire peuvent être d'un élitisme rébarbatif, l'exploration en vaut la peine.
Difficile de cerner un dixième et "dernier" artiste marquant car la plupart des moments clés sont présents jusqu'ici, et quoique je pourrais vanter à outrance bon nombre de génies (à mes yeux/oreilles plutôt) que j'ai découvert depuis ce temps, sont-ils marquants au point de provoquer un changement de direction dans mes préférences et habitudes d'écoute? Pas facile à dire car passé un certain point, je ne délaisse plus vraiment rien, j'accumule et j'élargis davantage plutôt, car j'aime encore la plupart des choses que j'ai découvertes en fin d'adolescence et par la suite, et pas par nostalgie. Je pourrais parler de Derek Bailey, guitariste anglais révolutionnaire, qui a écrit un ouvrage très édifiant sur l'improvisation en plus de nous laisser avec des centaines d'enregistrements avant de nous quitter. Il y a Keiji Haino, ce japonais qui a pratiquement l'aura d'un chaman, avec aussi une discographie énorme et infiniment fascinante touchant toutes sortes de musiques passant du "power trio" rock expérimental à des albums solos pour vielle à roue, ou chant et percussions frôlant le rituel. Il y a eu une phase très noise commençant par Merzbow, explorant plein de racoins de cet autre genre assez élitiste, pour finalement réaliser qu'une fois de temps en temps c'est bien de se faire décaper les neuronnes mais en fin de compte j'apprécie davantage des explorateurs sonores moins abrasifs et plus psychédéliques de la trempe de Nurse With Wound (très productif lui aussi, un style unique qui emprunte à la musique concrète, au collage, à l'électronique, pour faire un savant mélange qui surprend constamment) ou Coil (devenus beaucoup plus intéressants en fin de carrière avec leurs explorations aux synthés qu'à leurs débuts plus industriels.) La mention de collage me lance vers des brillants compositeurs comme John Oswald et John Wall qui ont vraiment fait un art de l'échantillonage, surtout en comparaison à l'utilisation typiquement paresseuse à laquelle nous confronte la musique pop: ici des centaines (voir des milliers) de fins samples sont agencés, accumulés, superposés, et manipulés pour en faire de nouvelles constructions qui n'ont pratiquement rien à voir avec le matériel d'origine; c'est le même principe que la musique concrète: tout enregistrement peut être source de matériel sonore afin d'assembler de nouvelles compositions, donc on compose avec les sons, qu'on travaille beaucoup, pas nécessairement les notes. D'autres compositeurs contemporains issus d'un milieu plus classique font tout de même des merveilles avec des partitions traditionnelles, on pense aux défunts et regrettés Boulez, Messiaen, et surtout Xenakis: l'incarnation même d'un cerveau extraterreste dans un corps de compositeur, ses oeuvres sont encores frappantes dans leur approche non-conventionnelle par rapport à presque tout — orchestres et instruments utilisés, forme, déploiement, et j'en passe. Encore vivant, Paul Dolden lui pousse encore plus loin, gardant un approche beaucoup plus mélodique et moins abstraite qu'un Xenakis, mais utilise le studio comme un instrument, véritable maître en production autant que compositeur, créant des univers d'instruments acoustiques uniques grâce à ses agencements inédits et ses théories et techniques poussées confondant l'oreille avec des gammes microtonales et des combinaisons d'instruments jouant dans un espace invraisemblable.
Je pourrais continuer à énumérer (assez conscient que je triche ici) et combler nombre d'artistes d'éloges, en laissant la dixième place ouverte pour une future découverte car j'en fais encore, mais de là à ce que ça me marque à un point tel que ceux ci-haut, c'est rendu difficilement imaginable. Alors je dois faire un choix et je vais y aller avec Anthony Braxton. Sans lien apparent, sauf que c'est un autre artiste innovateur avec une discographie géante, presqu'impossible à saisir. Mais plus on en écoute, plus on ressent comment son approche au jazz est tellement remarquable qu'il redéfinit les limites de ce qu'on peut appeler comme tel, comme d'autres l'ont fait avant (Miles, Coltrane, Ornette, etc..) et y a rien de plus marquant que ça car ça ouvre les horizons. Je l'ai vu en concert maintes fois au FIMAV et il offrait toujours de quoi de différent, j'en ai absorbé encore plus à travers plusieurs douzaines de ses enregistrements. Son oeuvre est plus qu'une musique, c'est un concept, où les musiciens participants à ses ensembles peuvent, selon certains principes de son cru, puiser dans un langage qu'il a établi et même interpréter différentes pièces de son répertoire à l'intérieur d'une même performance alors que les autres membres du groupe font de même, plongeant dans des tangentes, incorporant des segments d'improvisations aussi, pour refaire surface dans la pièce courante de manière très fluide; on croirait avoir affaire à un fouilli total et chaotique à lire cette description, mais ce système est si habilement construit et mené de main de maître que les morceaux s'agencent bien afin de faire un tout absolument cohérent et qui ne finit pas de récompenser une écoute approfondie. Membre de l'AACM (Association for the Advancement of Creative Musicians) et aussi professeur (maintenant retraité), Braxton fait aussi figure de patriarche et mentor en engageant nombre de jeunes musiciens et étudiants dans ses ensembles lors de la dernière décennie et plus, faisant office de tremplin pour plusieurs d'entres elles et eux, lançant la carrière de talents prometteurs. Donc pour l'ensemble de son oeuvre, sa grande influence sur plusieurs musiciens d'hier et d'aujourd'hui, ses prouesses au sax alto (entres autres) et ses concepts innovateurs, je choisis Braxton pour conclure ce voyage.