Je trouve qu'elle appuie bien ses propos avec des exemples et est très didactique, et elle "choque" un peu pour faire vendre, bien sur, mais essentiellement reprend pas mal ce que je pense. J'aime bien sa façon de distinguer le fait qu'on peut reconnaître les inégalités, mais être en désaccord sur le fait de les faire disparaître.
Elle tient d’ailleurs à bien distinguer « différence » et « inégalité ». « Ce qui m’ennuie, c’est qu’elles (les néo-féministes) ne se contentent pas de nommer les différences, elles essayent de les éradiquer au motif que les inégalités reposeraient sur ces différences. Mais c’est une confusion absurde entre la différence et l’inégalité. Ce n’est pas parce que deux termes sont différents qu’ils sont forcément inégaux. Et donc, c’est un peu jeter le bébé avec l’eau du bain : si on jette la différence des sexes au motif qu’elle serait cause d’inégalités, c’est totalement absurde. Ce dont il faut se débarrasser, ce sont les inégalités illégitimes, mais pas la différence en elle-même. Et donc, du même coup, ces néo-féministes insistent sur cette différence au lieu de proposer, comme le fait le féminisme universaliste, de suspendre les différences entre les sexes dans les contextes où ces différences ne sont pas pertinentes ; mais ça ne veut pas dire « s’en débarrasser », ça veut dire simplement que, par exemple, dans un contexte professionnel, on n’a pas à insister sur le fait que quelqu’un soit un homme ou une femme, c’est ça l’universalisme féministe. Elles ont une conception différentialiste et donc communautariste du féminisme, et par ailleurs, c’est une conception extraordinairement virulente, qui n’hésite pas à considérer que les hommes sont forcément coupables, ce que je trouve inacceptable : c’est une forme de sexisme inversé, mais c’est quand même du sexisme, c’est quand même de la discrimination anti-hommes, pour le coup, et je ne comprends pas que l’on puisse se réclamer d’une lutte antisexisme tout en pratiquant le sexisme, bon ; et ça peut prendre des formes très violentes, anti-démocratiques, par exemple de négation de la présomption d’innocence […]. Donc on en arrive à des situations non seulement d’injustice, mais de légitimation de l’injustice, portées au nom du féminisme. Et là, je dois dire qu’en tant que féministe de toujours – je suis féministe depuis les années 70, je trouve que c’est un dévoiement catastrophique du féminisme. »
Une autre entrevue intéressante :
"Le Wokisme serait-il un totalitarisme ?" - Nathalie Heinich au micro de Shlomo Malka.
Oui, dans les entrevues que j’ai pu écouter, elle s’exprime de manière assez posée et elle semble notamment être dans une démarche de description, d’analyse et de compréhension. Pour ce qui est de son livre, elle a dit : « C’est vrai que ma parole est un peu ferme, parce que je pense qu’il faut simplement être entendu, et parce que, aussi, je suis un peu en colère : j’ai l’impression que les combats qui ont toujours été les miens (l’antiracisme, le féminisme, la lutte contre l’homophobie, etc.) sont des combats qui ont été kidnappés par des gens qui utilisent des méthodes dans lesquelles je ne peux pas me reconnaître ».
À ses yeux, la pensée « woke » est médiocre : « compte tenu de la médiocrité de la pensée woke, ce sont rarement les plus brillants, de grands intellectuels, qui l’illustrent ». Bonnes intentions / causes légitimes, mais méthodes inacceptables, absolutisation des identités, discours systématiques et déconnectés de la réalité (au point qu’ils en deviennent délirants), en somme.
Après, j’ai pu te lire au sujet de l’écriture inclusive, etc., et dans les faits, je ne suis pas sûre que vous soyez exactement sur la même longueur d’onde sur « tout ». Nathalie Heinich se décrit comme une « ennemie de l’écriture inclusive », qu’elle considère comme une « écriture excluante » ; le « racisme d’État » est une « absurdité totale », selon elle ; etc. « Au lieu de lutter auprès des femmes des banlieues d’origine musulmane livrées à la pression communautaire des islamistes, « les partisans de l’écriture inclusive préfèrent donc exiger qu’on écrive auteure ou autrice », ajoute Mme Heinich. Au lieu de s’activer contre les injustices socioéconomiques ou les problèmes environnementaux, les wokistes « font du prosélytisme pour le transgenrisme ou la transidentité, dénoncent un colonialisme essentiellement imaginaire, un soi-disant racisme d’État », dit-elle. »
EDIT : Zut, je t'ai répondu avant de lire l'un de tes nouveaux messages ("Attends, je retrouve le moment exact de l'entrevue [...]").