J'ai peut-être un peu trop de temps pour lire ces temps-ci. En vrac, les lectures des dernières semaines:
Le petit copain - Donna TarttJ'avais vraiment gardé un fort souvenir du premier roman de Donna Tartt (
Le maître des illusions), mais pour une raison obscure, je n'avais jamais pensé lire le second (par peur d'être déçue, peut-être). Finalement, elle a emprunté la meilleure voie pour empêcher toute comparaison avec son premier roman: un récit radicalement différent, tant au point de vue de la trame que du décor ou du narrateur (dans ce cas-ci, une enfant). On est encore dans le roman policier, cela dit: Harriett, 12 ans, décide de retrouver le meurtrier de son frère Robin, retrouvé pendu à un arbre alors qu'elle était encore bébé. Harriett a tout des personnages enfantins de romans pour adultes (trop intelligente, trop articulée, un petit quelque chose de ducharmien, peut-être), mais ça colle. Et comme le tout se déroule dans une petite ville du sud des États-Unis, le roman est aussi prétexte à l'étude de la question raciale et des tensions créées au sein des communautés très pauvres. Un livre (presque) aussi fascinant que
Le maître des illusions.
Pour en finir avec Octobre - Francis SimardPetite plaquette qui se lit toute seule ou presque. On connaît l'histoire avant de la lire, on sait déjà qu'il y aura des incohérences et que certaines affirmations ne passeront pas le test de la réalité, mais ce n'est pas très important. Je ne m'attendais pas à ce que Francis Simard ait un réel talent d'écrivain, mais je me suis surprise à relire certains passages et à les noter pour mieux y réfléchir. Certaines réflexions identitaires formulées par Simard sont toujours d'actualité, et les réponses qu'il offre n'ont pas mal vieilli. C'est troublant. Jai demandé à fourchette de m'amener voir la maison où Pierre Laporte a été séquestré. Ça rend les trous dans le récit de Simard encore plus évidents, et le livre a finalement soulevé plus de questions que je ne pensais (d'autant plus que le titre laisse croire le contraire). Je vais sûrement lire
La constellation du Lynx pour mettre tout ça en perspective.
La détresse et l'enchantement - Gabrielle RoyJ'aime beaucoup les oeuvres de Gabrielle Roy, je trouve qu'elle a une écriture magnifique, un style qui n'est ni pesant ni ampoulé, et elle a tout un bagage d'expériences derrière elle pour donner vie à des histoires fantastiques. J'aurais dû me douter que son autobiographie serait à l'image du reste de sa production, mais je ne pensais pas m'y attacher aussi facilement. La question identitaire prend beaucoup de place (de mémoire, le livre commence par une phrase coup de poing: "Quand donc ai-je pris conscience pour la première fois que j'étais, dans mon pays, d'une espèce destinée à être traitée en inférieure?"), et c'est toujours ce qui m'accroche le plus dans ce genre de récit, mais j'ai aussi découvert l'envers du décor des situations qui ont donné naissance à certaines de mes nouvelles favorites de Roy, comme
La petite poule d'eau et
La truite dans l'eau glacée.
Les Suprêmes - Edward Kelsey MooreJ'ai choisi ce roman probablement parce que ça se passait dans le sud des États-Unis (encore) et que ça laissait présager une certaine réflexion sur la question raciale et la déségrégation (c'est le cas), et je n'ai pas été déçue, même si le roman est un peu plus "feel good" que je n'aurais pensé. Trois amies quinquagénaires, surnommées les Suprêmes depuis leur dernière année au secondaire, se retrouvent chaque semaine au restaurant du coin, après la messe dominicale. Évidemment, chacune incarne un archétype fort (Odette qui règne sur son foyer mais qui discute régulièrement avec sa mère morte du cancer qui la ronge en secret, Clarice qui mène une vie parfaite, mais pas tant, et Barbara Jean, qui a fait un mariage de raison et qui semble malheureuse, mais pas pour les raisons que l'on croit...), mais c'est vraiment les fils qui se tissent entre chacune de leurs histoires qui rend le tout intéressant. Il n'y a pas nécessairement d'intrigue, mais l'histoire progresse peu à peu vers ce qui semble être inéluctable, soit la mort d'Odette. C'est une lecture relativement légère, un livre pour les vacances, peut-être.
Un tout petit monde - David LodgeBon, déjà, c'était mon premier roman de David Lodge et j'ai commencé par la deuxième tome d'un triptyque (qui n'ont heureusement pas beaucoup de lien les uns avec les autres). Je pense que j'ai été un peu déçue parce que fourchette m'avait suggéré David Lodge pour assouvir mon penchant pour les fictions qui se passent dans le milieu académique (comme
Le maître des illusions, par exemple), or, je pense que je m'intéresse surtout aux histoires estudiantines alors que Lodge se concentre exclusivement sur le corps professoral. J'ai été surprise de voir que le roman avait été préfacé par Umberto Eco (
), ce qui a achevé de me convaincre de le lire, mais je n'ai pas nécessairement trouvé ce que je cherchais.
Un tout petit monde est un genre de vaudeville universitaire qui reprend le motif de la recherche du saint-graal (attention, c'est subtil, mais il y a tout un paquet de référence aux chevaliers de la table ronde et aux cycles arthuriens) lorsque Persse McGarrigle, jeune professeur de littérature de Limerick en Irlande, recherche une femme de colloque littéraire en colloque littéraire afin de lui exprimer son amour. Les revirements sont nombreux et quelques autres personnages se greffent à l'histoire avec leur trame narrative propre (dans le style assez typique du
british acid, dont je dirais que Lodge est clairement un précurseur), donc c'est une lecture agréable, mais je ne pense pas avoir aimé assez ça pour lire les autres David Lodge (et il y en a beaucoup).
La fiancée américaine - Éric DupontUn livre magnifique, je comprends un peu mieux la popularité qu'il connaît depuis sa publication en 2013. En tant que personne qui se plaint toujours de la maigreur des livres produits au Québec, j'ai eu 650 belles pages à me mettre sous la dent avec cette fresque qui débute durant la Grande Dépression et s'achève avec le nouveau millénaire. Pour être franche, je pense que j'ai préféré toute la partie qui raconte l'histoire du Cheval Lamontagne, homme fort et héros de guerre, devenu croque-mort, mais j'ai été fascinée par chaque personnage et chaque morceau du récit, qui se déroule tant à Rivière-du-Loup qu'à Rome et à Berlin (cette partie là est vraiment fantastique). Je le recommande chaudement.
Traders, hippies et hamsters - Marina LewyckaJe ne connais pas les autres romans de Marina Lewycka, mais j'ai été intriguée par l'histoire de Marcus et Doro, deux hippies dans la soixantaine qui veulent se marier auprès des membres de leur ancienne communauté après avoir vécu en union libre pendant une quarantaine d'années. Le livre suit aussi la vie de leurs enfants, Serge, un mathématicien boursicoteur, Clara, institutrice dans un milieu pauvre, et Oolie-Anna, une jeune trisomique à la recherche d'indépendance. C'est mignon, comme histoire, mais pas particulièrement transcendant. J'ai bien apprécié comment l'auteure vulgarisait les notions économiques complexes, comme la crise des subprimes.
Un été sans les hommes - Siri HustvedtUn roman de Siri Hustvedt que j'ai trouvé peut-être moins intéressant que les autres. Après une séparation difficile, Mia retourne passer l'été auprès de sa mère qui vit maintenant dans une résidence pour personnes âgées. Elle en profite pour donner un séminaire de poésie à sept adolescentes du coin, et se lie d'amitié avec les membres du cercle de lecture de sa mère, et avec sa voisine, jeune mère de deux enfants. J'ai trouvé plein de belles petites choses dans ce roman (notamment, la désignation: "Nous les grosses du corps caverneux" pour parler des femmes, que j'ai trouvé excellente), mais je n'ai pas eu le sentiment de pénétrer un univers, comme avec
Tout ce que j'aimais et
Élégie pour un américain. J'ai commencé
Un monde flamboyant tantôt, son plus récent, et je pressens déjà que ce que j'aime de Siri Hustvedt sera bien plus au rendez-vous.
Apocalypse bébé - Virginie DespentesJ'ai été impressionnée par ce "road novel" (honnêtement, la description est tirée par les cheveux, si ce n'est qu'il y a bien un voyage en voiture entre Paris et Barcelone) qui se lit tout seul et qui captive de la première à la dernière page. Lucie, détective privée un peu empotée, fait équipe avec La Hyène, lesbienne au passé trouble et violent, pour retrouver Valentine, une adolescente disparue et mystérieuse, à la recherche de sa mère qui l'a abandonnée alors qu'elle n'avait que trois mois. Les chapitres se succèdent entre la narration de Lucie, qui rend compte de l'enquête, et les différents personnages qui ont croisé Valentine au cours de sa fugue. Le procédé narratif est réussi, et même si certains évènements sont assez "plaqués" par pure provocation (typique Virginie Despentes), le dénouement et la finale explosive et inattendue valent bien quelques irritations. J'ai adoré.
...
Et c'est tout. J'en profite, il ne me reste plus beaucoup de temps pour la lecture calme et paisible.