Si « nul ne peut être juge et partie », ce n’est pas pour rien…
Quoi qu’il en soit, un avocat n’est pas un juge…
« L'avocat est-il porteur de la vérité ou serviteur du mensonge ? » Rentrée solennelle de la conférence du stage, 11 octobre 1997, Maître Pascale Potier-Bourgeois, Avocat à la Cour de Nancy :
http://www.juripole.fr/Barreau/Discours/Potier.php.
« L’avocat et la vérité », Christian Bourguet (avocat), 1998 :
https://www.persee.fr/doc/chris_0753-2776_1998_num_58_1_2040 :
« Ce que nous dénommons vérité n’est qu’une élimination d’erreurs. » (Georges Clémenceau : Aux embuscades de la vie)
Si les avocats partagent avec les « arracheurs de dents » le douteux privilège d’être en général considérés comme de fieffés menteurs, et même des menteurs professionnels, c’est essentiellement par ignorance de ce qu’est leur rôle, leur mission et même leur obligation.
Être avocat, c’est « parler pour » un autre, ce n’est donc pas le juger.
Être avocat, c’est avant tout se rappeler que c’est la vérité
du dossier qui importe, pas celle de l’avocat.
Être avocat, c’est donc douter, avant toute chose, savoir la fragilité des apparences, accepter de remettre en cause même la plus apparente évidence, « éliminer les erreurs ».
Qu’il s’agisse de défendre un accusé (au sens large du terme, c’est-à-dire celui à qui on reproche une infraction, quelle qu’en soit la gravité, alors qu’au sens strict l’ « accusé » est celui à qui l’on reproche un crime) ou une victime,
Que le procès soit pénal, civil ou commercial,
Que son client soit un homme, une femme, un enfant ou une Société, l’avocat n’est là que pour tenter de convaincre le juge que la vérité du dossier est celle de son client.
Qu’il doute ou pas de ce que soutient ce dernier, c’est
sa thèse qu’il doit soutenir, sans autre limite que le refus d’utiliser une pièce qu’il sait fausse, de justifier ce qu’au fond de lui-même il condamne : défendre le pire criminel, oui, parce que quoi qu’il ait fait, il faut proclamer son droit d’être défendu, mais pas le justifier.
Et cela l’amènera très vite à comprendre combien toute vérité est relative.
D’abord en raison des difficultés de la preuve, ensuite à cause de sa fragilité, enfin du fait du cadre du procès.
[…]
« Pauvre Vérité, vérité vraie, vérité nue, que de peine on a à te faire sortir de ton puits, et quand on est parvenu à t’en tirer à demi et à mi-corps, que de gens accourus de toutes parts, qui ont hâte de t’y renfoncer ! » – Sainte-Beuve »
« « Être avocat, c'est défendre ». Les droits de défense sont des principes juridiques qui garantissent à toute personne accusée d'une infraction le droit à une défense équitable et efficace, non au sens de l'assurance d'une relaxe mais d'un combat équilibré devant le juge. Ces droits incluent notamment la présomption d'innocence, le droit à un procès équitable, le droit à un avocat et le droit de ne pas s'auto-incriminer. »
https://www.lefigaro.fr/vox/societe/supprimer-le-droit-de-mentir-et-pourquoi-pas-supprimer-les-droits-de-la-defense-20240418 ;
https://www.maitre-eolas.fr/post/2024/04/18/Le-droit-de-mentir-n%E2%80%99existe-pas...
« Le mensonge qui consiste à énoncer ce que l’on sait être faux. Comme tel, le mensonge est tout d’abord contraire à la dignité qui figure dans le serment prêté par l’avocat pour exercer. La dignité oblige ainsi l’avocat à éviter tout ce qui pourrait affaiblir le respect qu’il doit inspirer : auxiliaire de justice et, participant à ce titre à l’œuvre de justice, l’avocat ne peut pas user de moyens mauvais comme le mensonge, même pour une fin estimée bonne, à savoir la défense, car la fin ne justifie pas les moyens. L’avocat ne peut donc pas mentir sciemment au juge. Comment les juges pourraient-ils continuer à croire un avocat en sachant qu’il a menti ? Par rapport aux juges, l’avocat n’a aucun intérêt à mentir. Le mensonge est également contraire à un autre grand principe qui guide l’avocat dans l’exercice de sa fonction : la loyauté. La loyauté qui concerne l’attitude des avocats entre eux oblige l’avocat à se comporter honnêtement envers son confrère et un avocat loyal ne peut donc pas mentir à son confrère.
L’avocat doit en outre, aux termes de son serment, exercer en conscience, de sorte qu’il est en droit de refuser, en conscience, un dossier, c’est-à-dire apprécier qu’il ne doit pas ou plus s’occuper d’un dossier parce qu’il refuse de répéter les mensonges de son client.
Spoiler for Hiden:
« Les principes essentiels de la profession guident le comportement de l’avocat en toutes circonstances.
L’avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment.
Il respecte en outre, dans cet exercice, les principes d’honneur, de loyauté, d'égalité et de non-discrimination, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie.
Il fait preuve, à l’égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence. »
https://www.cnb.avocat.fr/fr/reglement-interieur-national-de-la-profession-davocat-rin#En fait, l’ignorance dans laquelle l’avocat qui n’a aucun pouvoir d’enquête se trouve de vérifier les accusations, les dénégations ou les aveux partiels de son client l’amène souvent à passer pour un menteur à gages par ceux qui, adversaires, sont persuadés d’avoir raison et que l’avocat a donc accepté de défendre une cause qu’il sait injuste par seul appât du gain.
Il peut ainsi arriver que l’avocat émette de bonne foi des affirmations qui sont en réalité fausses, car il arrive que le client ne dise pas toute la vérité à son avocat. Ce dernier peut alors être amené à ne pas dire la vérité sans le savoir, sans le vouloir. Dans ce cas, il ne s’agit donc pas d’un mensonge, le client n’ayant pas été complètement transparent avec son avocat.
Si l’avocat n’est pas complice de son client, il n’est pas non plus son confesseur : ainsi, même si l’avocat cherche à découvrir, au-delà du dossier, ce qui s’est réellement passé, l’avocat ne peut contraindre son client à des aveux complets. C’est ainsi que très souvent, l’avocat ignore la réalité de la culpabilité ou de l’innocence de son client et fait avec ce que son client a bien voulu lui dévoiler. Ainsi, ne connaissant pas la vérité des faits de manière absolue, l’avocat pourra exposer une thèse même si elle paraît difficile à admettre. Il peut plaider ses doutes, car sa tâche n’est pas d’apporter la solution de l’affaire qui appartient aux seuls juges. En revanche, l’avocat doit la vérité à son client et ne peut lui cacher ni les charges qui pèsent sur lui ni les pronostics défavorables ou inquiétants. Si l’avocat doit la vérité à son client, l’avocat doit exposer au juge sa vérité, c’est-à-dire celle que lui a donnée son client mais à condition qu’il l’admette pour une vérité possible. Une défense n’est efficace que si l’avocat est persuadé de la thèse qu’il expose et l’avocat ne peut donc présenter une argumentation dont il n’est pas convaincu. Comment un avocat qui n’est pas convaincu de la thèse qu’il expose pourrait-il être convaincant auprès d’un juge ? Il n’est donc pas exact de penser qu’un avocat est un mercenaire du droit prêt pour l’argent à tout pour faire acquitter une personne qu’il sait coupable. [En passant, il est par ailleurs erroné de croire que les avocats pénalistes, français du moins, sont forcément riches... Certains sont véritablement passionnés par leur métier et la matière pénale en particulier. Beaucoup aiment l'aspect humain, social, etc. Certains sont même à mes yeux plus "humains" et "empathiques" que la moyenne des gens...]
La relation entre un avocat et son client est basée sur la confiance, et celle-ci peut être mise à mal par les fausses déclarations de celui-ci à son avocat, et le client ne doit jamais perdre de vue qu’au final, la décision rendue le concerne lui-même et non l’avocat qui n’aura été que son porte-parole. »
https://www.leprogres.fr/faits-divers-justice/2020/07/03/l-avocat-peut-il-mentir-pour-defendre-son-client« C’est alors que M
e Saint-Pierre, avocat de Maurice Agnelet lors de tous ses procès, intervint :
« Je connais Guillaume et Thomas depuis des années. J'ai vécu leur déchirement. Je suis soumis au secret professionnel pour les conversations que j'ai pu avoir avec eux. Le rapport de l'avocat à la vérité est une question philosophique. Mais je veux dire solennellement ici que jamais je n'ai soutenu l'acquittement d'un accusé sachant clairement sa culpabilité ».
Les rapports entre l’avocat et la vérité sont particulièrement complexes. Tous les manuels de déontologie n’abordent d’ailleurs pas la question de manière frontale, certains refusant en quelque sorte l’obstacle.
La question, abrupte, qui pourrait être posée est la suivante : la déontologie de l’avocat autorise-t-elle celui-ci à demander l’acquittement ou la relaxe lorsqu’il sait que son client est coupable ?
Le terme de vérité ne figure ni dans le décret du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de l’avocat, ni dans le règlement intérieur national de la profession d’avocat. Toutefois, ces textes obligent l’avocat à exercer sa profession, notamment, avec probité et honneur.
L’honneur de l’avocat est sans doute de défendre son client, quel qu’il soit, quels que soient les actes qu’on lui reproche. Mais la probité et l’honneur devraient également lui interdire le mensonge.
Toute la nuance du propos de M
e Saint-Pierre réside ainsi dans le « clairement ». Il faut ainsi distinguer deux situations, quitte à simplifier outrancièrement la complexité des situations dans laquelle l’avocat peut être plongé.
D’abord, l’avocat peut savoir que son client ment car la position qu’il soutient est contredite par tous les faits. Elle n’est donc pas crédible. Dans cette hypothèse, l’avocat tentera d’expliquer à son client que sa stratégie de défense est vouée à l’échec, et que l’incohérence de ses déclarations risque d’indisposer les juges, et les inciter à faire preuve de sévérité à son encontre.
Toutefois, si le client persiste, l’avocat n’a aucun moyen de forcer son client à changer de position. Ainsi, s’il souhaite continuer à l’assister, il devra soutenir, tant bien que mal, la position irréaliste de son client à l’audience, aux risques et périls de ce dernier. Il se contentera, dans cette hypothèse, « de porter la parole de son client ». Les avocats les plus habiles réussiront cependant, sans avouer à la place du client, à infléchir subtilement sa position pour ne pas heurter de front les magistrats.
Finalement, l’avocat ne peut savoir « clairement » que son client est coupable que si celui-ci le lui a avoué, dans le secret de son cabinet.
Malgré cet aveu, le client peut parfois exiger que son innocence soit plaidée à l’audience. Dans cette hypothèse, l’avocat est dans une situation embarrassante. Il ne pourra évidemment pas dénoncer son client, le secret professionnel le lui interdisant. En revanche, s’il soutient la thèse mensongère de son client, en toute connaissance de cause, il épousera son mensonge et violera son devoir de probité et d’honneur.
La seule solution acceptable serait donc… la fuite, encore que tous les avocats ne s’accordent pas sur ce point. L’avocat devrait en effet se démettre, c’est-à-dire demander à ce que la défense du client soit assurée par quelqu’un d’autre, sans donner de raison, ou en évoquant des raisons qui ne dévoilent pas le mensonge du client.
Ce qui, quelque part, est mentir… »
https://actu.dalloz-etudiant.fr/le-billet/article/la-verite-et-lavocat/h/cf0306b0c3b7219af546a7c281c4a784.html#d%C3%A9cret« Les clichés dont fait l’objet l’avocat le présentent au mieux comme un magicien, au pire comme un manipulateur. En échange d’honoraires qui sont le prix de ses supercheries, l’avocat s’efforcerait de séduire les juges en leur faisant prendre la nuit pour le jour et un coupable pour un innocent.
Il serait trop long de faire l’inventaire de toutes les railleries plus ou moins féroces dont l’avocat a fait l’objet au cours des siècles. […]
L’avocat peut-il mentir ? L’avocat doit-il tout faire pour que son client ait raison ? A-t-il le droit de pratiquer l’économie de vérité, l’omission, la dissimulation de pièces dont la production en justice aurait changé le cours des choses ?
Un avocat britannique, et plus généralement un avocat anglo-saxon, est tenu à une obligation de vérité vis-à-vis de ses adversaires et vis-à-vis des juges. Le mensonge est un outrage à magistrat. La procédure de la
Discovery permet à tout avocat de se rendre au cabinet de son confrère pour demander à voir le dossier qu’il a entre les mains. Si par malheur l’avocat a caché une pièce parce qu’elle était défavorable à sa cause, là encore un « contempt of court » aura été commis, entraînant éventuellement la radiation de l’avocat.
Tel n’est pas le cas en France.
Nos règles sont différentes, non pas que nous ayons le droit de mentir, mais ce qui prévaut chez nous c’est la protection du secret professionnel institué dans l’intérêt de nos clients, secret dont nous sommes les gardiens et les garants. De la sorte, l’avocat peut se trouver dans une situation de conflit de valeurs.
[…]
Au pénal, les choses, de mon point de vue, se présentent différemment.
Il ne m’est jamais arrivé et ne m’arrivera sans doute jamais qu’un client me dise : « Je suis coupable, mais faites-moi acquitter et vous aurez une grosse somme d’argent ». C’est ce qu’imaginent beaucoup de personnes qui croient, à tort, que l’avocat est prêt à tout pour faire relaxer ou acquitter la personne dont il a la charge. En réalité, les clients essaient d’abord sur leur avocat leur système de défense. Nous ne sommes efficaces que si nous sommes vraiment convaincus qu’il y a un doute.
En tout état de cause, les peines encourues par le prévenu et la pression de l’appareil judiciaire sur lui nous font entrer en résistance […].
Enfin, reste la question de l’économie de vérité : l’avocat a le devoir de taire une circonstance aggravante que lui a révélée son client et qui, si elle était connue des juges, alourdirait son sort. Le respect du secret fonde le droit au silence. Parallèlement, j’ai le devoir de me taire lorsque mon client refuse qu’une confidence qu’il m’a faite soit révélée à ses juges, alors même qu’elle aurait pu peser en faveur de sa défense, comme l’inceste dont il a été victime alors qu’on le poursuit pour le même crime. […] »
https://www.charriere-bournazel.com/le-droit-le-juge-lavocat-et-la-verite/1/2