Qu'est-ce que le réel? Selon moi, même si tu n'étais qu'une formule numérique qui déraille, tu serais réel.
Je suis plutôt d'accord avec toi.
On peut par exemple lire : « Réel : Qui est véritablement, effectivement, sans fiction ni figure. »
https://www.cnrtl.fr/definition/academie8/r%C3%A9elLe réel est, par définition, ce qui est (indépendamment de nous). La réalité empirique, elle, désigne ce qui existe pour nous grâce à notre expérience. C’est une représentation individuelle ou/et collective du réel. Elle est le résultat de notre perception et de notre interprétation du monde qui nous entoure. Elle est donc relative, multiple et changeante.
Je pense qu’il ne faut pas réduire le réel, ce qui est, à ce qui est matériel ou physique. (Du reste, tout ce qui transite sur le réseau Internet a des conséquences sur l'environnement, notamment à travers la consommation d'électricité des centres de données – matériels – et l'énergie grise qu'ils représentent.)
« Virtuel : qui est seulement en puissance et sans effet actuel. »
https://www.cnrtl.fr/definition/academie8/virtuelWikipédia souligne quant à lui que « « virtuel » est un adjectif (qui peut être substantivé : le virtuel) utilisé pour désigner ce qui est seulement en puissance, sans effet actuel. Il s'emploie souvent pour signifier l'absence d'existence.
À partir des années 1980, cet adjectif est aussi utilisé pour désigner ce qui se passe dans un ordinateur ou sur Internet, c'est-à-dire dans un « monde numérique » par opposition au « monde physique ».
La définition courante de « virtuel » est strictement philosophique et dérive d'une traduction latine «
virtualis » du concept aristotélicien de
dunaton ; elle provient de la scolastique du Moyen Âge. Aristote donne à ce mot trois significations dans son livre la « Métaphysique ». Il signifie « virtuel », « possible » et « puissant ». »
Classiquement, le virtuel s'oppose à ce qui est en acte, de sorte que le virtuel est en puissance et contient toutes les conditions de son actualisation, sans, pour autant, être encore réalisé.
« Le virtuel, c'est le réel avant qu'il ne passe à l'acte », c’est-à-dire « avant qu'il ne s'actualise. » – Maurice Benayoun
Selon Aristote, le virtuel n'a rien à voir avec le fictif, il ne manque au contraire pas de réalité. Ce qui est virtuel ou « en puissance » (
dunamis) ne s'oppose pas à ce qui est réel ou doté d'existence, mais constitue un autre régime du réel (ou mode d'existence) qui se définit par ceci qu'il se distingue de l'actuel, c'est-à-dire de ce qui est « en acte » (
energeia). Ainsi, « la non-actualité telle que l’introduit Aristote n’est nullement l’opposé de la réalité, quoique ce soit l’acte qui en constitue la perfection et l’accomplissement en tous genres ».
D’après Gilles Deleuze, « le virtuel possède une pleine réalité, en tant que virtuel. Du virtuel, il faut dire exactement ce que Proust disait des états de résonance : « réels sans être actuels, idéaux sans être abstraits et symboliques sans être fictifs ». » Le réel s'oppose quant à lui au possible. Le possible est déjà défini, déterminé, c'est un réel latent auquel il ne manque que l'actualisation.
Une autre conception du virtuel est possible : le reflet dans un miroir. Le reflet d'un objet dans un miroir est là : il est actuel, mais il n'est pas la chose elle-même. Il en est la simulation, qui nécessite, pour être en acte, un média : le miroir, en l’espèce. Dans le monde numérique, ce sont les techniques informatiques qui actualisent la chose. Les images qui nous entourent sont le reflet des choses en question, les choses telles qu’elles apparaissent à nos yeux, mais pas les choses elles-mêmes. Le reflet de l’objet en question s'impose à notre perception visuelle avec la même force que n'importe quel objet réel et, tant que les conditions d’observation sont satisfaites, rien ne permet de le distinguer visuellement de l’objet réel. Dans cette conception, il découle qu'un objet virtuel, non réel mais pleinement actuel, peut engendrer des effets réels, de sorte que la perception qu'on en a et toute notre relation à lui sont bien réelles. Idem en ce qui concerne le reflet ou un son virtuel. Les expériences mentales que nous vivons et les émotions que nous ressentons sont bien réelles et ont sur nous des effets bien réels, y compris d'ordre physique.
Selon Denis Berthier, « est virtuel ce qui, sans être réel, a, avec force et de manière pleinement actuelle (c'est-à-dire non potentielle), les qualités (propriétés,
qualia) du réel ». Cette définition repose sur l'étymologie du mot (
virtus et non
virtualis, en l’espèce), ainsi que sur les usages techniques du terme dans des expressions comme « image virtuelle », « réalité virtuelle », « son virtuel », « environnement virtuel », etc. Elle met l'accent sur le virtuel comme expérience réelle et actuelle, mais médiatisée par une interface, un objet technique.
L’expression « réalité virtuelle » associe deux termes que certains individus pourraient qualifier d’« antinomiques ». Il y a une réalité virtuelle qui consiste à numériser le réel concret matériel. C'est ce qui permet la visualisation en trois dimensions d'un paysage, etc., par exemple. Il y a, par ailleurs, une réalité virtuelle qui consiste à numériser le réel abstrait idéel, en esprit, qui n’existe donc que potentiellement. Il s’agit alors d’imaginer des êtres, objets, actions, mondes, etc., possibles en idée et d’en simuler la réalité numériquement, à l’aide d’ordinateurs et de machines techniques adaptés. Exemple : les jeux vidéo.
La réalité augmentée naît, quant à elle, de l'association possible, par la numérisation, du réel concret et du réel idéel. Toutes les potentialités des techniques numériques peuvent ainsi désormais s'insérer dans le réel concret matériel. Cf. les « lunettes intelligentes », par exemple. Nous pouvons par ailleurs numériser l'homme concret matériel, du séquençage du génome humain à son apparence physique. On parle aujourd'hui de « post-humain », de « transhumain », etc.
Selon le philosophe Stéphane Vial, il est illusoire de penser qu’il y a une frontière nette entre deux mondes totalement séparés et indépendants :
https://hal.science/hal-01516823/document :
We don't like that expression: IRL – In Real Life.
We say AFK – Away From Keyboard.
We think that the Internet is for real. – Peter Sunde,
The Pirate BayDans les années 1990, Philippe Quéau a souligné que : « la
virtus n’est pas une illusion ou un fantasme, ou encore une simple éventualité, rejetée dans les limbes du possible. Elle est bien réelle et en acte. La
virtus agit fondamentalement. [...] Le virtuel n’est donc ni irréel ou potentiel : le virtuel est dans l’ordre du réel ». D'autres, comme Pierre Lévy, ont, dès les débuts du World Wide Web, dénoncé « l'opposition facile et trompeuse entre réel et virtuel », et montré que, sur la Toile, la « virtualisation » des individus, des groupes, des actes, des informations ne constituait pas une déréalisation mais plutôt un « mouvement inverse de l'actualisation », par lequel s'accomplit en fait une « déterritorialisation » ou un « détachement de l'ici et maintenant », un « hors là ». C'est pourquoi, avec l'Internet, ce qui est virtuel se présente à la conscience comme ce qui « n'est pas là » et s'apparente à une « présence de l'absent ». Mais « le virtuel n'est pas imaginaire pour autant. Il produit des effets ». En un mot, il est tout aussi réel que l'actuel.
Depuis le milieu des années 2000, avec l'essor conjugué des réseaux sociaux et des terminaux mobiles, les technologies numériques n'ont cessé de se reterritorialiser, en ramenant l'usager à son « être là » (
dasein), au sens le plus « local » du terme. Les
smartphones nous ont
rattaché à l'espace le plus physique (géolocalisation) et au présent le plus précis (temps réel). […]
Comme le souligne Nathan Jurgenson, à l'heure de Facebook et des terminaux mobiles, le monde en ligne et le monde hors ligne non seulement ne sont pas séparés mais ne peuvent pas l'être : « dialectiquement reliés, l'un peut être utilisé pour renforcer l'autre » (Jurgenson, 2012, p. 85). C'est ce que démontre très bien l'expérience des Printemps arabes de 2011, au cours de laquelle les réseaux sociaux ont joué un rôle de premier plan : par analogie avec l'Effet Papillon (
Butterfy Effect), John Maeda a d'ailleurs parlé d'Effet Twitillon (
Twitterfy Effect) pour qualifier la manière fulgurante avec laquelle les gazouillis de 140 caractères sur Twitter se sont répandus de la Tunisie à la Lybie et à l'Égypte, provoquant soulèvements populaires et révolutions. On est loin de l'idée d'immersion dans une réalité virtuelle parallèle. Au contraire : « les nouvelles technologies – en particulier les réseaux sociaux et le Web mobile en tant qu'ils sont hautement liés – font effectivement fusionner le numérique et le physique en une seule réalité augmentée » (Jurgenson, 2012, p. 84). Ainsi : « La physicalité du monde, les structures sociales et les identités hors ligne interpénètrent le monde en ligne. Simultanément, les propriétés du numérique implosent dans le monde hors ligne, à travers l'ubiquité des accessoires électroniques connectés dans notre monde et dans nos corps, ou à travers la manière dont tout ce qui est numérique interpénètre nos manières de comprendre et de donner du sens au monde qui nous entoure » (Jurgenson, 2012, p. 86).
La frontière entre le « monde numérique » et le « monde physique » est poreuse, brouillée, etc. Exemple :
Pokémon Go. « La rupture entre espace physique et espace numérique devient caduque, impensable, tandis que notre quotidien s’affiche comme l’espace même où l’informatique a lieu. Les données qui circulent d’une borne wifi à l’autre pénètrent notre réalité en saturant l’espace concret des villes, des maisons, des corps mêmes des usagers. […] L’informatique actuelle est capable de numériser la réalité non pas en la dématérialisant, mais au contraire en l’augmentant. » – Antonio Casilli
Une « communauté virtuelle » est déterritorialisée, les personnes en question sont éloignées géographiquement parlant mais « proches » en ligne, numériquement. Ces individus sont même parfois plus « proches » que ceux qui composent une communauté dite « réelle ». En outre, une communauté dite « virtuelle » est le résultat d’actions concrètes de la part des différents individus qui la composent. Lesdits individus éprouvent également des émotions qui sont bien réelles. Cela a des conséquences très concrètes.
Les Échos du 10 février 1996 titraient : « Premier cas d'adultère virtuel. Divorce sur Internet ». Un homme avait découvert la liaison dite « virtuelle » qu’entretenait son épouse avec un autre homme : longues conversations intimes, qui ne s’étaient pas concrétisées sur le plan « physique » … Il demanda le divorce.
The Weekly Telegraph posa alors la question suivante : « Peut-on commettre l'adultère par écrans d'ordinateurs interposés ? », introduisant par là-même la question de la confusion possible entre « réel » et « virtuel » ...
Dans certains cas, oui, possiblement : manquement au devoir de fidélité (pas simplement charnelle), qui est également une obligation morale et affective. La fidélité est également liée à la notion de respect… Je pense d’ailleurs que l’aspect sentimental est parfois plus significatif qu’une partie de jambes en l’air…
En 1986, les juges civils français avaient reconnu l’existence d’un adultère intellectuel, considérant que l’entretien d’une relation épistolaire et téléphonique intense sans relations charnelles pouvait constituer un adultère et, par extension, une faute.
Lorsqu’il est « produit des éléments démontrant que l’époux s’est inscrit sur un site de rencontres depuis une certaine période, qu’il entretient des correspondances intimes, envoie des photos compromettantes et recherche manifestement des aventures extraconjugales », le juge peut reconnaître dans ces comportements une faute qui justifie le prononcé du divorce : Cour d’appel de Lyon, 7 février 2011.
Dans un arrêt en date du 30 avril 2014, la Cour de cassation a également reconnu l’adultère en l’absence de relations charnelles...