Mais Lisa travaille dans un milieu «très arabe» depuis septembre dernier.
Elle ne connaît peut-être pas toutes ces femmes qui sont arrivées ici entre 1990 et 2008, mettons, et qui ne portaient pas le voile ni dans leur pays, ni après être arrivé ici, mais qui, depuis 5 ou 10 ans, se sont mises à porter le voile, à devenir rigoriste en religion. Elles sont nombreuses.
J'ai en mémoire une femme qui était dans cette situation, elle faisait une maîtrise en biologie médicale et supervisait les labos de biochimie quand j'étais au Bac. Elle portait le voile à cause de la pression de sa belle-famille, parce que, m'a-t-elle dit, elle avait passé l'âge de se révolter ou de dissimuler. Mais si le voile devenait interdit, elle aurait une bonne excuse à leur opposer. Ils ne se passeraient pas de son salaire. Pour elle, le divorce ne semblait pas être envisagée, en tout cas on n'en a jamais parlé.
En réalité, l'acceptation du voile peut encourager des femmes complètement recluses à travailler et sortir (des filles comme celles de la famille Shaffia), mais pour bien d'autres femmes qui sont déjà en partie intégrées, ça favorise au contraire l'avancée des codes dictées par la charia et ça tend à les exclure, dans leur vie sociale ou professionnelle.
En l'absence de données sociologiques, on ne peut qu'estimer le nombre des unes et des autres et l'effet d'une politique permissive ou directrice sur ces deux groupes. Séquestrer une personne, c'est criminel en droit canadien, même si c'est ton épouse. En acceptant le niqab ou la burka pour favoriser des «permissions de sortie», c'est le mari contrôlant et paranoïaque qu'on récompense, c'est lui qui en tire du pouvoir, pas sa femme. Lui, il se trouve conforté dans ses exigences. Je trouve qu'on fait beaucoup de pieds et de mains pour accommoder des choses qui ne devraient pas l'être, des choses qu'on accepterait jamais si ce n'était pas «exotique» et «étranger» et personnellement je trouve que c'est cela le vrai «racisme».
Il ne faut pas négliger non plus la propagande anti-occidentale qui règne dans quelques'uns de ces milieux-là. Bien des femmes voilées sont convaincues que les québécoises sont des putes, qui couchent avec quelqu'un sur demande, qu'elles ont toutes des photos pornos sur internet, et que l'échelle de valeur de notre société est renversée par le fait-même. Que ce soit une enseignante ou une docteure, si elles entendent parler qu'elles vivent en union de fait ou qu'elles ont changée de partenaire, elles se remémorent ces discours, et c'est aussi pour elles un moyen de défense lorsqu'elles se sentent attaquées. Si elles restent imperméables à nos valeurs, toutes les fois qu'elles croisent un voile pendant leur «permission de sortie», ça va les rassurer dans leurs valeurs et créer un sentiment de communauté qui peut aussi les enfoncer là-dedans.
C'est pas simple, et Lisa a effectivement un bon argument. Mais il y a deux côtés de la médaille.