Vrais comme chui là, dans les premiers temps ou je chassais, j'avais comme compagnon d'arme un vieil homme que la plupart décrivait comme un original. Il vivait avec son fils dans un vieux dépanneur abandonné entre deux côtes sur le chemin qui mène au parc Ste-Anne-des-Monts, dans les terres Gaspésienne.
À cet époque, il souffrait de la leucémie et il avait perdu beaucoup de poids, de force et de vigueur. Les traitements de chimio l'avait affaiblie et il toussait constamment. Malgré sa maladie, il était encore une force de la nature, et j'avais encore beaucoup de difficulté à le suivre dans les bois. C'était un homme d'une race ancienne et disparu; bucheron, trappeur, il faisait tout les métiers qui ne semblait qu'exister que dans les vieux livres du terroir. Il pouvait passer des semaines entière dans les bois en ne vivant de ce qu'il pêchait, chassait et cueillait. Il me contait souvent ses histoires de rencontre avec un cougar (qu'il appelait panthère)
Peu intéressé à la société, il était d'une extrême pauvreté. Mais il ne s'en préoccupait pas. Les seuls temps ou il vivait était les moments ou il chassait.
L'année de sa mort, alors que je devais le rejoindre chez lui, j'ai appris qu'il était entré à l'hopital. Je suis donc allé le voir. Lui qui avait 55 ans semblait en avoir plus de 80. Ceux qui ont connu le cancer savent de quoi je parle: voir une force de la nature se battre avec le cancer est bouleversant, on perd tout sentiment d'invicibilité; le cancer peut prendre n'importe qui.
Il m'a dit qu'il allait sortir dans 3 jours. L'infirmière m'a confirmé que c'était le cas. Nous étions aux soins palliatifs et il ne lui restait que trois jours à vivre. J'ai compris qu'il ne voulait pas se l'avouer et entre deux piqures de morphine, il a réalisé en voyant mon regard que tout était fini. Il s'est mis à pleurer et jamais de ma vie je ne me suis senti aussi impuissant. Que peut-on répondre à quelque qu'un qui se demande pourquoi lui doit mourir ? Je lui ai demandé qu'est-ce qui l'avait maintenu en vie durant tout ce temps. Il est resté muet à me dévisager. Puis, il s'est péniblement levé, marchant courbé comme un vieillard pour aller chercher dans sa valise une pochette qu'il m'a ensuite tendu. Je l'ai ouverte. C'était une photo ancienne d'une jeune femme, assise devant la mer et les montagnes de l'anse-pleureuse. Sur ces genou se trouvait mon vieil ami qui tenait lui dans ses bras un chien. Mon ami était si jeune, tout comme sa mère dont la beauté et la vitalité semblait être plus rayonnant que le soleil.
J'étais intrigué. Quand je lui ai demandé si c'était sa mère qui le maintenait en vie, il a fait non de la tête. Il a pointé le chien. C'était un petit chien. J'ai su par la suite que c'était un corgi.
- Le chien ?
Il a encore fait non de la tête et il a pointé les oreilles du chien.
Soudainement, la chambre semblait plus lumineuse. C'était une photo d'oreille de chiens de Corgi. Le reste n'était qu'accessoire décoratif. Devant une telle photo, ma perception de la vie à changé à tout jamais. J'ai tout abandonné, famille, travail et je suis allé vivre dans le dépanneur abandonné de mon ami. J'ai pris du temps à réaliser sa mort, non pas parce que c'était un événement trop gros pour moi mais au contraire parce qu'était devenu insignifiant en comparaison à cette photo.
Est-ce que je vous l'ai décris ?
C'est une photo ancienne, d'une époque révolue, contenant des êtres disparues. C'était avant la couleur, du temps où tout était sépia. Une jeune femme est assis sur une roche et elle tient dans ses mains un jeune garçon. Celui-ci tient un petit chien au oreille fabuleuse. La photo une odeur de vieux livre et de nostalgie.
Ma précieusse.