T'es dans la grossière exagération en disant que c'est de la marde, ou un peu comme de la radio-poubelle, Champlain bashing, etc.
C'est assez clair que la composante marchande était importante. Ça ne diminue en rien l'action de Champlain. Au contraire, pour que l'aventure au Canada fonctionne, il fallait montrer au roi et au duc de Sully que l'investissement pouvait rapporter. Durant les années ou Champlain a gouverné, le commerce des fourrures était suprêmement important. Champlain croyait à un passage en Chine, c'est donc qu'il voyait beaucoup plus loin que le simple marchandage de peux de fourrure.
Cela dit, contrairement aux auteurs, le marchandising de Champlain ne m'apparaît pas contradictoire avec l'humanisme tel que décrit par Fisher.
Son caractère humaniste se défend.
L'époque de Champlain, c'est exactement l'époque des humanistes, Thomas Moore, Rabelais, La Boétie, Montaigne, Francis Bacon, Copernic, etc. etc.
Ou Érasme auparavant.
«Ils disent qu'il n'y avait pas de tolérance parce que l'Édit de Nantes n'était qu'une autre stratégie pour ramener les protestants dans le giron de la foi catholique.»
--> C'est juste un procès d'intentions. Oublie pas qu'Henri IV, c'est avant Richelieu, qu'il était lui-même huguenot à la base, et que même une fois converti pour des raisons politiques, il a été assassiné justement par les cathos fanatiques qui trouvaient qu'il n'était pas assez catholique à leur goût et trop indulgent avec les protestants.
Ici, je me demande si tu ne cherches pas juste à montrer que tu connais des choses en histoire. D'un point de vue argumentaire, c'est faible.
Mais discutons un peu de cette notion de tolérance à la fin du 17e siècle:
L’idée de tolérance n’apparaît pas dans l’édit. À cette époque, ce mot est connoté négativement. Il est synonyme d’« endurer » ou encore de « supporter ». « Si ce que nous nommons tolérance signifie accepter la pensée de l’autre comme aussi vraie que sa propre opinion, voilà qui est parfaitement impossible au XVIe siècle. Dans le domaine religieux, chacun est sûr de détenir la vérité. Connaissant cette dernière, sachant que l’autre est dans l’erreur et joue son destin éternel, il serait criminel de l’abandonner et de renoncer à ce que nous appellerons un droit d’ingérence pour le sauver, y compris par la force ». En 1586, Catherine de Médicis s’adresse au vicomte de Turenne : « roi ne veut en ses États qu’une religion ». Ce à quoi le vicomte répond « Nous aussi. Mais que ce soit la nôtre ».
Aux yeux des catholiques et des protestants, cet édit permet un état transitoire. En pratique, l’édit de Nantes marque un tournant dans l’histoire des mentalités : sa signature marque la distinction entre le sujet politique, qui doit obéir, quelle que soit sa confession, à la loi du roi, et le croyant, libre de ses choix religieux dorénavant cantonnés à la sphère privée.
Pierre Joxe a mis en valeur un des paradoxes de l’édit de Nantes. Il montre que ce texte, communément présenté comme fondant la tolérance, n’a pas autant bénéficié aux protestants qu’on le croit. La recherche actuelle insiste dans cette lignée sur le fait que l’édit a tout au contraire entériné la dominance catholique, limitant le culte protestant en certains lieux tout en autorisant le catholicisme dans l’ensemble du royaume. Furent créées ainsi les conditions d’une recatholicisation de la France. De plus, l’édit fonde, autour d’une religion d’État dont le souverain est le pivot, l’absolutisme. Son aboutissement est une véritable religion royale, qui culminera avec Louis XIV.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Édit_de_Nantes
Voilà qui devrait suffire à te faire comprendre que la "tolérance" n'existait simplement pas à cette époque. L'Édit de Nantes représente les débuts d'une sorte de liberté religieuse, mais ce n'est pas une forme de tolérance.
En passant, Henri IV n'a pas été tué par des cathos, il a été tué par un catho fanatique qui a été reconnu comme un fou ayant agi seul. Je dirais peut-être un équivalent d'un fou qui irait tuer Donald Trump parce qu'il n'a pas encore détruit l'Iran. Est-ce que ça prouverait hors de tout doute que Donald Trump est "tolérant" avec le programme nucléaire iranien ? Je ne dirais pas ça non.
Ensuite tu veux amener un débat de nature un peu sémantique:
D'ailleurs, si le mot tolérance fait trop anachronique, le mot indulgence fitte sans doute beaucoup mieux avec l'époque, mais signifie pas mal la même chose.
Si on prend l'indulgence dans son sens religieux : "Dans l'Église catholique romaine, l’indulgence (du latin indulgere, « accorder ») est la rémission totale ou partielle devant Dieu de la peine temporelle parfois nommée pénitence encourue en raison d'un péché déjà pardonné."
Dans le contexte des guerres de religion, l'indulgence réfère au commerce des indulgences, ce qui est directement lié à l'avènement du protestantisme.
Pas tout à fait semblable, donc, à "tolérance".
Parmi les abus ultérieurs, on peut citer l'indulgence pour quiconque aiderait à la construction de la nouvelle basilique Saint-Pierre accordée par Jules II en 1506, confirmée par son successeur Léon X. C'est également l'époque du scandale lié au dominicain Johann Tetzel, chargé en 1516-1517 de vendre les indulgences au nom d'Albert de Brandebourg, archevêque de Mayence, intéressé à la vente par une commission de 50 % promise par la Curie. On lui attribue alors le slogan : « Sobald das Geld im Kasten klingt, Die Seel’aus dem Fegfeuer springt » (« aussitôt que l'argent tinte dans la caisse, l'âme s'envole du Purgatoire »). La pratique des indulgences est donc de plus en plus perçue comme une forme de corruption au cours du XVIe siècle.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Indulgence_(catholicisme)
Si on prend l'indulgence du point de vue de sa définition telle que je crois que tu l'utilises: "Une indulgence est la facilité à excuser et à pardonner les fautes, les défauts."
Il y aurait une ressemblance avec la tolérance, mais dans ce sens là, il n'y avait pas d'indulgence envers les protestants à l'époque.
Ce n'est pas simplement du mot dont on parle ici. Les deux historiens parlent de la simple inexistence de quelconque forme de tolérance, indulgence, ou acceptation à ce que l'autre religion puisse côtoyer la sienne ou prospérer en harmonie relative. Il n'y avait pas de tolérance religieuse au 16e siècle. Les gens étaient majoritairement des fanatiques, chacun campés dans ses positions et désirant la suprématie de leur croyance et la destruction de l'autre croyance. Les changements de religion étaient possibles bien sûr, ce qui ne rendait pas les gens plus "tolérants". Un humaniste comme Érasme défendait une critique constructive de l'Église sans jamais avoir de "tolérance" pour Martin Luther et son projet de schisme.
Donc ramenons-nous à la thèse soutenue par Fisher :
Champlain, selon Fischer, n’avait pas traversé l’Atlantique dans le but de conquérir de nouveaux territoires. Au contraire, il aurait rêvé de créer en Amérique du Nord une société unie par « la tolérance de la diversité et un respect mutuel pour les différences ». Cette vision, qui aurait été partagée par de nombreux Français ayant contribué au développement de la Nouvelle-France, leur aurait été inspirée par Henri IV.
Bref, si tu comprends maintenant un peu mieux l'époque d'Henri IV, cette thèse apparaît très improbable.
Si t'es pas capable de voir que cette lettre d'opinion dans le Devoir c'est vraiment du pinaillage peu étoffé et sans profondeur, qui repose sur des suppositions et des liens étriqués, probablement une banale commande payée, par rapport au volumineux et sérieux travail de Hackett-Fisher, je sais pas quoi te dire.
Ce que je vois surtout, c'est la rapidité avec laquelle tu discrédites des historiens sans apporter d'arguments significatifs.
Tout montre que ...
Qu'est-ce que ce "tout" ?
Champlain faisait des compromis presque à reculons envers les marchands, les aristocrates, et qu'il rechignait à respecter ses engagements militaires avec ses alliés de l'alliance de Tadoussac; il n'était certainement pas mû par la soif de l'or, des conquêtes ou des profits, mais bien par une vision, ou au minium, par sa soif de découvertes et de cartographie, qu'il accomplissait avec beaucoup plus d'ardeur et de passion. Ce n'était pas un Cortez patient (ni Henri IV un inquisiteur espagnol patient).
Comme j'ai dit plus haut, son désir de rendre la colonie profitable participe à sa vision d'ensemble. Pour moi ça n'a rien de mal ou de contradictoire.
Qui a dit que c'était un Cortez patient ? Champlain est un grand homme et un personnage unique de notre histoire. Mais ce que vous semblez faire, toi et Fisher, est que vous essayez de comprendre sa vie à travers les lunettes de notre époque afin qu'il corresponde à votre représentation d'un héros du 17e siècle qui serait apte à nous guider au présent.
Si tu veux, discutons de ce qu'il a dit dans son journal. Mais comme ça a déjà été dit, il faut appréhemder ses propos avec précaution.