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 L'Encyclopédie du Peuple

Auteur Sujet: À propos de la désobéissance civile  (Lu 2504 fois)

Combat Rock

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À propos de la désobéissance civile
« le: juin 09, 2012, 07:24:10 am »
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Mercredi dernier, Amir Khadir a été cuisiné par les représentants des médias qui semblaient ne pas comprendre le concept, pourtant assez simple, de désobéissance civile. L'amalgame simpliste qu'ils font entre désobéissance civile et actes criminels est non seulement désolant, mais montre la totale incompréhension de se constitue l'acte de désobéissance civile.

Le Devoir de philo - À propos de la désobéissance civile
Entretien avec le professeur Guy Durand sur l’histoire et le sens de cette notion

Guy Durand     
9 juin 2012 
Actualités en société


Photo : International Portrait Gallery
Le philosophe Henry David Thoreau fut emprisonné, en 1846, pour refus de payer l’impôt à l’État du Massachusetts, auquel il reprochait de commercer avec les États esclavagistes du Sud. Dans son Discours de la désobéissance civile (1849), il écrit ceci: «La soumission aux lois iniques peut constituer un crime; la désobéissance devient alors un devoir envers soi-même, en même temps qu’un devoir civique [...]».

À RETENIR
Deux fois par mois, Le Devoir lance à des passionnés de philosophie, d’histoire et d’histoire des idées le défi de décrypter une question d’actualité à partir des thèses d’un penseur marquant. Cet entretien d’Antoine Robitaille avec le professeur Guy Durand clôt la saison du Devoir de philo.
La notion de désobéissance civile a beaucoup été utilisée récemment dans le conflit étudiant. Comment la définissez-vous ?
   

Je partirais d’une courte définition, celle qu’a formulée en 1982 le juris te québécois Yves de Montigny : « On qualifie généralement de désobéissance civile tout acte de défi à la loi ou, pour être plus précis, toute transgression d’un texte législatif ou réglementaire basée sur des motifs moraux, religieux, politi ques ou philosophiques. »

Une définition plus complète pourrait s’énoncer ainsi : la désobéissance civile désigne une violation publique, pacifique et conséquente d’une loi, d’un ordre de cour, d’une règle institutionnelle ou d’un ordre d’une personne en autorité, violation qui heurte des convictions profondes d’ordre religieux, éthique ou politique de la personne, dans le but de respecter la priorité de sa conscience et éventuellement de contribuer à changer la loi, la règle ou l’ordre social.
 
Il y a là quelques critères importants.

Oui, trois caractéristiques, en fait, qu’il faut selon moi retenir : publique et non pas secrète ; pacifique, soit non violente, et conséquente, c’est-à-dire que la personne qui l’invoque est prête à accepter les conséquences de sa désobéissance (prison, amende). Elle est une forme d’objection de conscience.

D’ailleurs, l’exemple classique de la désobéissance civile concerne le service militaire : on peut s’y opposer en général par objection de conscience et faire le service civil prévu pour les objecteurs.

Mais là où le service militaire est obligatoire, le refus de répondre à l’avis de convocation peut constituer une désobéissance civile.

Celle-ci consiste à retourner l’avis reçu ou à le brûler en public, sans violence, en étant prêt à accepter la peine de prison éventuelle.

Quand, aux États-Unis, entre 1964 et 1973, les opposants à la guerre au Vietnam ont brûlé en public leur avis de convocation au service militaire, on a parlé de désobéissance civile ; lorsque certains ont saccagé les bureaux de recrutement, ce terme ne convenait plus.
 
Vous avez évoqué le critère de la non-violence. Dans le débat sur la désobéissance civile au cours du printemps érable, la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) a tenu à faire une distinction entre la violence à l’endroit des personnes et la violence envers les biens. Qu’en pensez-vous ?

Depuis quelque temps, en effet, particulièrement depuis que le militant écologiste français José Bové a détruit un champ de blé génétiquement modifié (OGM), on a fait cette distinction entre la violence envers les personnes et les dommages faits aux biens.

Selon certains, les dommages faits aux biens entreraient dans la définition de la désobéissance civile et seraient justifiés. Pour moi, c’est contraire à toute la tradition éthique sur la désobéissan ce civile. Celle-ci doit être non violente, tout court.
 
Un autre qui a invoqué la notion de désobéissance civile est le député de Mercier, Amir Khadir. Dans son fameux point de presse de mercredi, au lendemain de son arrestation, a-t-il bien argumenté son utilisation de la désobéissance civile, selon vous ?

<a href="http://www.youtube.com/watch?v=NAXIZuZRPLc" target="_blank">http://www.youtube.com/watch?v=NAXIZuZRPLc</a>


Avant de répondre, laissez-moi revenir à la définition. Comme il s’agit d’un acte potentiellement dérangeant, perturbateur, les auteurs formulent généralement trois conditions à respecter pour que l’acte de désobéissance soit éthique et légitime. D’abord, il faut démontrer qu’il y a atteinte importante aux convictions personnelles.

Ensuite, il doit exister une certaine proportionnalité entre les conséquences de la désobéissance et celles du respect de la loi ou de l’ordre.

Enfin, il doit s’agir d’une mesure de dernier recours, c’est-à-dire qu’il faut avoir épuisé les autres moyens de faire respecter ses convictions.
 
Bien, mais revenons à M. Khadir. D’après vous, son argumentation respecte-t-elle ces critères ?

Globalement, oui, mais on doit apporter certaines précisions. Les trois caractéristiques de la définition (publique, pacifique, conséquente) me semblent être là. Les trois conditions ne sont pas évoquées dans les termes que j’ai utilisés, mais elles sont implicitement présentes.

À propos des justifications éthiques, il a insisté sur la désobéissance au service du bien commun. Il refuse, avec raison selon moi, une désobéissance qui répondrait seulement à un intérêt purement individuel, comme de ne pas payer ses impôts tout simplement parce qu’on n’aime pas ça.

Mais il semble exclure le motif personnel de respect de la conscience et exige que le mouvement soit massif pour être légitime. J’avoue que cela ne fait pas partie de la doctrine reconnue.
 
Une question, au fond, demeure : est-ce que l’augmentation des droits de scolarité et l’adoption de la loi 78 sont vraiment des raisons suffisantes pour justifier la désobéissance civile ?

Je répondrais que c’est à chacun d’en juger, en conscience, tenant compte des éléments énumérés précédemment. Prenons Henry David Thoreau. On sait qu’il fut arrêté et emprisonné, en 1846, pour refus de payer l’impôt à l’État du Massachusetts, auquel il reprochait de commercer avec les États esclavagistes du Sud.

Dans son célèbre Discours de la désobéissance civile (1849), il a exposé clairement le débat et a justifié sa conduite en ces termes : « La soumission aux lois iniques peut constituer un crime ; la désobéissance devient alors un devoir envers soi-même, en même temps qu’un devoir civique. Le citoyen doit-il un seul instant, dans quelque mesure que ce soit, abandonner sa conscience au législateur ? Pourquoi alors chacun aurait-il une conscience ? Je pense que nous devons d’abord être des hommes, et sujets ensuite. Le respect de la loi vient après celui du droit. »

Ainsi, plusieurs auteurs fondent la désobéissance civile sur la « primauté de la conscience sur la loi ». Gandhi et Luther King - et j’ajouterais Tolstoï - ont justifié leurs actes de cette façon.

Justement, on a reproché à Khadir de se comparer trop facilement à ces héros.

À mon avis, le reproche est injustifié. Il ne s’agit pas de se comparer à eux - Kadhir s’en défend bien -, mais de profiter de leurs exemples et de leurs réflexions.
 
Peut-être, mais lorsqu’on entre dans cette logique, comment tracer une ligne ? N’y a-t-il pas une « pente savonneuse » qui peut con duire à légitimer toute violation de la loi ?

Il y a effectivement lieu de tenir compte de cet élément. Il entre dans les trois conditions d’éthicité dont j’ai parlé. Mais il n’est pas concluant en lui-même.

Nous sommes devant une sorte de dilemme moral, de conflit de devoirs (éthiques) : d’un côté, respect de la conscience et souci de justice sociale ou de réforme so ciale ; de l’autre, respect des lois et de la démocratie.

La désobéissance civile s’avère un exemple paradigmatique du respect de la conscience personnelle. Elle constitue indéniablement un hommage rendu à cette cons cience, éventuellement un éloge de l’héroïsme.
 
Conscience, conscience, comment juger qu’un tel la suit et qu’un autre n’y obéit pas authentiquement ?

C’est vrai, le jugement de conscience n’est pas toujours facile. La situation comporte souvent du bien et du mal. Il est difficile d’évaluer ce qui doit prédominer.

La conscience peut alors admettre des dérogations face à ses convictions propres, à savoir des compromis. En somme, la désobéissance civile n’est pas une solution de facilité.

On ne fait pas un tel choix en cachette, sans témoigner dans l’ensemble de sa vie de l’attachement aux principes en jeu. Par exemple, on ne s’oppose pas au service militaire sans témoigner globalement du respect de la vie, du refus de la violence.

En son fond, l’objection de conscience n’est pas négative : elle n’est ni abstention, ni passivité ; elle doit, par sa force d’interpellation, témoigner des valeurs mêmes qui sont à sa source.

D’ailleurs, les témoins les plus typiques de la désobéissance civile, Gandhi et Luther King, ont précisément eu des vies d’un grand héroïsme, marquées par le souci de la paix, de la justice, de l’égalité et de la dignité.

J’irais même jusqu’à dire qu’une société et un État démocratique (gouvernement, tribunaux et police) devraient reconnaître explicitement la légitimité de la désobéissance civile. Même si l’application en serait complexe et dérangeante pour les autorités. Et la pratique, délicate et exigeante pour l’objecteur.

***
 
Guy Durand est professeur émérite de l’Université de Montréal. Théologien et juriste, spécialisé en éthique, il a publié en 2004 Pour une éthique de la dissidence. Liberté de conscience, objection de conscience et désobéissance civile (Montréal, Liber, 151 pages).

Snookey

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À propos de la désobéissance civile
« Réponse #1 le: juin 09, 2012, 07:41:01 am »
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Tu sais qu'on est capable d'aller lire des articles sans que tu sois obligé de constamment les postés ici en intégralité ?

Combat Rock

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« Réponse #2 le: juin 09, 2012, 07:52:44 am »
0
Tu sais qu'on est capable d'aller lire des articles sans que tu sois obligé de constamment les postés ici en intégralité ?

Certains articles du Devoir ne sont accessibles dans leur intégralité qu'aux abonnés.


Jay.

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À propos de la désobéissance civile
« Réponse #3 le: juin 09, 2012, 07:55:42 am »
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Donc c'est en quelque sorte une violation du droit d'auteur que de les rendre accessibles comme ça sur le Web, non?
J'avais une idée de signature géniale, mais je ne m'en rappelle plus.

Sapolin

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À propos de la désobéissance civile
« Réponse #4 le: juin 09, 2012, 07:58:44 am »
0
Tu sais qu'on est capable d'aller lire des articles sans que tu sois obligé de constamment les postés ici en intégralité ?

Certains articles du Devoir ne sont accessibles dans leur intégralité qu'aux abonnés.

Je seconde, j'ai été frustré cette semaine par un de mes amis FB qui avait publié un lien vers un article du Devoir non-accessible.

Combat Rock

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« Réponse #5 le: juin 09, 2012, 07:59:39 am »
0
Ce n'est pas tout le monde qui est abonné au Devoir.  Certains abonnés FB citent les articles réservés aux abonnés in extenso sur leur page.

Si je photocopie une page du Devoir pour des fin de distribution, est-ce que je viole la loi du droit d'auteur ?

« Modifié: juin 09, 2012, 08:13:16 am par Combat Rock »

Jay.

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À propos de la désobéissance civile
« Réponse #6 le: juin 09, 2012, 08:08:24 am »
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C'est plus une vraie question qu'une critique.
D'après moi, citer  c'est une utilisation raisonnable, mais photocopier ou copier-coller pour des fins  de distribution/diffusion, non parce qu'ils réservent ces textes pour les abonnés.
Ça pourrait donc être une violation de leurs termes d'utilisation

Ce qui ne m'empêche pas d'avoir lu l'intégralité du texte avec intérêt.
J'avais une idée de signature géniale, mais je ne m'en rappelle plus.

MadChuck

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À propos de la désobéissance civile
« Réponse #7 le: juin 09, 2012, 11:13:43 am »
0
Si je photocopie une page du Devoir pour des fin de distribution, est-ce que je viole la loi du droit d'auteur ?

Fort probablement.

dardar32

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À propos de la désobéissance civile
« Réponse #8 le: juin 09, 2012, 03:03:02 pm »
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Mercredi dernier, Amir Khadir a été cuisiné par les représentants des médias qui semblaient ne pas comprendre le concept, pourtant assez simple, de désobéissance civile. L'amalgame simpliste qu'ils font entre désobéissance civile et actes criminels est non seulement désolant, mais montre la totale incompréhension de se constitue l'acte de désobéissance civile.

Le Devoir de philo - À propos de la désobéissance civile
Entretien avec le professeur Guy Durand sur l’histoire et le sens de cette notion

Guy Durand     
9 juin 2012 
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Le philosophe Henry David Thoreau fut emprisonné, en 1846, pour refus de payer l’impôt à l’État du Massachusetts, auquel il reprochait de commercer avec les États esclavagistes du Sud. Dans son Discours de la désobéissance civile (1849), il écrit ceci: «La soumission aux lois iniques peut constituer un crime; la désobéissance devient alors un devoir envers soi-même, en même temps qu’un devoir civique [...]».

À RETENIR
Deux fois par mois, Le Devoir lance à des passionnés de philosophie, d’histoire et d’histoire des idées le défi de décrypter une question d’actualité à partir des thèses d’un penseur marquant. Cet entretien d’Antoine Robitaille avec le professeur Guy Durand clôt la saison du Devoir de philo.
La notion de désobéissance civile a beaucoup été utilisée récemment dans le conflit étudiant. Comment la définissez-vous ?
   

Je partirais d’une courte définition, celle qu’a formulée en 1982 le juris te québécois Yves de Montigny : « On qualifie généralement de désobéissance civile tout acte de défi à la loi ou, pour être plus précis, toute transgression d’un texte législatif ou réglementaire basée sur des motifs moraux, religieux, politi ques ou philosophiques. »

Une définition plus complète pourrait s’énoncer ainsi : la désobéissance civile désigne une violation publique, pacifique et conséquente d’une loi, d’un ordre de cour, d’une règle institutionnelle ou d’un ordre d’une personne en autorité, violation qui heurte des convictions profondes d’ordre religieux, éthique ou politique de la personne, dans le but de respecter la priorité de sa conscience et éventuellement de contribuer à changer la loi, la règle ou l’ordre social.
 
Il y a là quelques critères importants.

Oui, trois caractéristiques, en fait, qu’il faut selon moi retenir : publique et non pas secrète ; pacifique, soit non violente, et conséquente, c’est-à-dire que la personne qui l’invoque est prête à accepter les conséquences de sa désobéissance (prison, amende). Elle est une forme d’objection de conscience.

D’ailleurs, l’exemple classique de la désobéissance civile concerne le service militaire : on peut s’y opposer en général par objection de conscience et faire le service civil prévu pour les objecteurs.

Mais là où le service militaire est obligatoire, le refus de répondre à l’avis de convocation peut constituer une désobéissance civile.

Celle-ci consiste à retourner l’avis reçu ou à le brûler en public, sans violence, en étant prêt à accepter la peine de prison éventuelle.

Quand, aux États-Unis, entre 1964 et 1973, les opposants à la guerre au Vietnam ont brûlé en public leur avis de convocation au service militaire, on a parlé de désobéissance civile ; lorsque certains ont saccagé les bureaux de recrutement, ce terme ne convenait plus.
 
Vous avez évoqué le critère de la non-violence. Dans le débat sur la désobéissance civile au cours du printemps érable, la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) a tenu à faire une distinction entre la violence à l’endroit des personnes et la violence envers les biens. Qu’en pensez-vous ?

Depuis quelque temps, en effet, particulièrement depuis que le militant écologiste français José Bové a détruit un champ de blé génétiquement modifié (OGM), on a fait cette distinction entre la violence envers les personnes et les dommages faits aux biens.

Selon certains, les dommages faits aux biens entreraient dans la définition de la désobéissance civile et seraient justifiés. Pour moi, c’est contraire à toute la tradition éthique sur la désobéissan ce civile. Celle-ci doit être non violente, tout court.
 
Un autre qui a invoqué la notion de désobéissance civile est le député de Mercier, Amir Khadir. Dans son fameux point de presse de mercredi, au lendemain de son arrestation, a-t-il bien argumenté son utilisation de la désobéissance civile, selon vous ?

<a href="http://www.youtube.com/watch?v=NAXIZuZRPLc" target="_blank">http://www.youtube.com/watch?v=NAXIZuZRPLc</a>


Avant de répondre, laissez-moi revenir à la définition. Comme il s’agit d’un acte potentiellement dérangeant, perturbateur, les auteurs formulent généralement trois conditions à respecter pour que l’acte de désobéissance soit éthique et légitime. D’abord, il faut démontrer qu’il y a atteinte importante aux convictions personnelles.

Ensuite, il doit exister une certaine proportionnalité entre les conséquences de la désobéissance et celles du respect de la loi ou de l’ordre.

Enfin, il doit s’agir d’une mesure de dernier recours, c’est-à-dire qu’il faut avoir épuisé les autres moyens de faire respecter ses convictions.
 
Bien, mais revenons à M. Khadir. D’après vous, son argumentation respecte-t-elle ces critères ?

Globalement, oui, mais on doit apporter certaines précisions. Les trois caractéristiques de la définition (publique, pacifique, conséquente) me semblent être là. Les trois conditions ne sont pas évoquées dans les termes que j’ai utilisés, mais elles sont implicitement présentes.

À propos des justifications éthiques, il a insisté sur la désobéissance au service du bien commun. Il refuse, avec raison selon moi, une désobéissance qui répondrait seulement à un intérêt purement individuel, comme de ne pas payer ses impôts tout simplement parce qu’on n’aime pas ça.

Mais il semble exclure le motif personnel de respect de la conscience et exige que le mouvement soit massif pour être légitime. J’avoue que cela ne fait pas partie de la doctrine reconnue.
 
Une question, au fond, demeure : est-ce que l’augmentation des droits de scolarité et l’adoption de la loi 78 sont vraiment des raisons suffisantes pour justifier la désobéissance civile ?

Je répondrais que c’est à chacun d’en juger, en conscience, tenant compte des éléments énumérés précédemment. Prenons Henry David Thoreau. On sait qu’il fut arrêté et emprisonné, en 1846, pour refus de payer l’impôt à l’État du Massachusetts, auquel il reprochait de commercer avec les États esclavagistes du Sud.

Dans son célèbre Discours de la désobéissance civile (1849), il a exposé clairement le débat et a justifié sa conduite en ces termes : « La soumission aux lois iniques peut constituer un crime ; la désobéissance devient alors un devoir envers soi-même, en même temps qu’un devoir civique. Le citoyen doit-il un seul instant, dans quelque mesure que ce soit, abandonner sa conscience au législateur ? Pourquoi alors chacun aurait-il une conscience ? Je pense que nous devons d’abord être des hommes, et sujets ensuite. Le respect de la loi vient après celui du droit. »

Ainsi, plusieurs auteurs fondent la désobéissance civile sur la « primauté de la conscience sur la loi ». Gandhi et Luther King - et j’ajouterais Tolstoï - ont justifié leurs actes de cette façon.

Justement, on a reproché à Khadir de se comparer trop facilement à ces héros.

À mon avis, le reproche est injustifié. Il ne s’agit pas de se comparer à eux - Kadhir s’en défend bien -, mais de profiter de leurs exemples et de leurs réflexions.
 
Peut-être, mais lorsqu’on entre dans cette logique, comment tracer une ligne ? N’y a-t-il pas une « pente savonneuse » qui peut con duire à légitimer toute violation de la loi ?

Il y a effectivement lieu de tenir compte de cet élément. Il entre dans les trois conditions d’éthicité dont j’ai parlé. Mais il n’est pas concluant en lui-même.

Nous sommes devant une sorte de dilemme moral, de conflit de devoirs (éthiques) : d’un côté, respect de la conscience et souci de justice sociale ou de réforme so ciale ; de l’autre, respect des lois et de la démocratie.

La désobéissance civile s’avère un exemple paradigmatique du respect de la conscience personnelle. Elle constitue indéniablement un hommage rendu à cette cons cience, éventuellement un éloge de l’héroïsme.
 
Conscience, conscience, comment juger qu’un tel la suit et qu’un autre n’y obéit pas authentiquement ?

C’est vrai, le jugement de conscience n’est pas toujours facile. La situation comporte souvent du bien et du mal. Il est difficile d’évaluer ce qui doit prédominer.

La conscience peut alors admettre des dérogations face à ses convictions propres, à savoir des compromis. En somme, la désobéissance civile n’est pas une solution de facilité.

On ne fait pas un tel choix en cachette, sans témoigner dans l’ensemble de sa vie de l’attachement aux principes en jeu. Par exemple, on ne s’oppose pas au service militaire sans témoigner globalement du respect de la vie, du refus de la violence.

En son fond, l’objection de conscience n’est pas négative : elle n’est ni abstention, ni passivité ; elle doit, par sa force d’interpellation, témoigner des valeurs mêmes qui sont à sa source.

D’ailleurs, les témoins les plus typiques de la désobéissance civile, Gandhi et Luther King, ont précisément eu des vies d’un grand héroïsme, marquées par le souci de la paix, de la justice, de l’égalité et de la dignité.

J’irais même jusqu’à dire qu’une société et un État démocratique (gouvernement, tribunaux et police) devraient reconnaître explicitement la légitimité de la désobéissance civile. Même si l’application en serait complexe et dérangeante pour les autorités. Et la pratique, délicate et exigeante pour l’objecteur.

***
 
Guy Durand est professeur émérite de l’Université de Montréal. Théologien et juriste, spécialisé en éthique, il a publié en 2004 Pour une éthique de la dissidence. Liberté de conscience, objection de conscience et désobéissance civile (Montréal, Liber, 151 pages).


El Kabong

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À propos de la désobéissance civile
« Réponse #9 le: juin 09, 2012, 03:22:42 pm »
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C'est pas dans La Prêche ou dans le Ournal de Monrial qu'il est possible de lire un article pareil!!!

Le Devoir fais ce que dois!
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Tam!

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À propos de la désobéissance civile
« Réponse #10 le: juin 09, 2012, 03:48:35 pm »
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dardar32

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« Réponse #11 le: juin 09, 2012, 03:58:38 pm »
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Il dit dans ce texte que la désobéissance civile doit se faire en dernier recours et qu'elle ne doit pas se faire dans la violence.

Il parle aussi de la notion de violence. Celle faite contre des objets et celle faite contre du monde.

Il dit aussi que certains critères poussent vers des actes plus extrêmes.

La question qui me vient est:

Quand est-ce moralement justifié de s'opposer physiquement aux services de l'ordre public?

Si les moyens utilisés légitimement sont épuisés et ont reçu comme réponse des lois spéciales et de la violence de la part des forces de l'ordre qui exercent une force répressive jugée comme exagérée, n'est-ce pas justement un devoir de se lever et de protester contre la dérive de notre société?

Le peuple n'a pas de devoir moral face a son gouvernement? Si on sacre au pouvoir un débile profond, on est obligé de l'endurer? Si Charest demain matin sort une loi spéciale qui interdit d'avoir plus que 4 doigts par main, on est pris avec? Elle est ou la limite? Quel devoir d,objection à un peuple face a son gouvernement ?

Le texte parle d'un cas bien précis ou le mec ne voulait plus payer d'impots pour des raisons morales. Moi je pense que mes taxes devraient servir a autre chose que faire la guerre et de desservir le modèle de société actuelle.! Je peux m'opposer?

Il serait caché la le pouvoir du peuple? Le regroupement de simple citoyen?

Le Jam

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À propos de la désobéissance civile
« Réponse #12 le: juin 09, 2012, 06:17:07 pm »
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Quand est-ce moralement justifié de s'opposer physiquement aux services de l'ordre public?


Excellente question et selon moi la vraie question posée par ce topic.

Selon moi la réponse est double. D'une part la réponse est personnelle, quand et si tu estimes que tes valeurs sont bafouées au point qu'il vaille le coup de prendre les armes à l'encontre du droit pour faire valoir ou tout simplement imposer ta vision que tu estime bonne doit s'imposer (en gros on appele ça une révolution). D'autre part quand tu entre dans ce jeu tu dois assumer cette implication. Ne plus chialer contre le gouvernement et ses moyens armés, tu asumes le fait de ne plus respecter les règles donc ne te revendique pas des régles établient pour te défendre. D'autre part tu dois dans cette situation assumer le fait que le sang coule et que la souffrancce physique soit nécessaire pour atteindre ton bu.
"Va te coucher t'es saoul"

Tam

dardar32

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À propos de la désobéissance civile
« Réponse #13 le: juin 09, 2012, 06:45:33 pm »
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Paradoxale comme façon de penser.

Comment on peut manifester contre un gouvernement et les abus de répression sans aussi critiquer les forces de l'ordre qui appliquent cette répression abusive?

Le Jam

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« Réponse #14 le: juin 09, 2012, 07:02:31 pm »
0
Paradoxale comme façon de penser.

Comment on peut manifester contre un gouvernement et les abus de répression sans aussi critiquer les forces de l'ordre qui appliquent cette répression abusive?


Je ne vois pas le paradoxe dans la mesure où c'est exactement mon point de vu. Ou je t'ai mal compris, ou je e suis mal fait comprendre (mais il est vrai que mon poste était mal écrit).
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Tam

currius

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À propos de la désobéissance civile
« Réponse #15 le: juin 10, 2012, 08:04:52 am »
0
C'est pas dans La Prêche ou dans le Ournal de Monrial qu'il est possible de lire un article pareil!!!

Le Devoir fais ce que dois!


Et, c'est ici que je commence à te trouver désagréable et sans pertinence. Mauvais calembours, idées reçues et dogmatisme inique.
?

dardar32

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« Réponse #16 le: juin 10, 2012, 09:34:50 am »
0
Paradoxale comme façon de penser.

Comment on peut manifester contre un gouvernement et les abus de répression sans aussi critiquer les forces de l'ordre qui appliquent cette répression abusive?


Je ne vois pas le paradoxe dans la mesure où c'est exactement mon point de vu. Ou je t'ai mal compris, ou je e suis mal fait comprendre (mais il est vrai que mon poste était mal écrit).
Comment dénoncer sans dénoncer? Elle est là ma question.

Il y a une limite à la résistance passive. Quand tu milites pour une cause et que tu le fais bien et que tu te fais frapper sans discernation et poivré en guise de réponse, je pense qu'on se rapproche dangereusement de la légitimité morale de se défendre.

J'ai un exemple qui me vient à l'esprit. Les moines de Shaolin. Les fameux moines guerriers. Ils refusent de se battre et sont contre la violence, mais refuse d'être agressé physiquement. Tu peux les traiter de tous les noms, mais ne les touches pas.

En gros, l'abus de force employé pour faire taire les manifestants sous prétexte qu'une très infime proportion de casseurs sont dans leurs rangs est selon moi injustifiable et pourrait finir par justifier une contre-mesure de la part des étudiants.

À ce niveau, qui est coupable? Le gouvernement qui refuse de laisser le monde s'exprimer? Ou les manifestants qui tiennent  a leurs droits?



Double Post:
La dictature, c’est ferme ta gueule et la démocratie c’est cause toujours.
Voila, on accepte, ou pas...
« Modifié: juin 10, 2012, 09:41:45 am par dardar32 »

El Kabong

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À propos de la désobéissance civile
« Réponse #17 le: juin 10, 2012, 06:10:17 pm »
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C'est pas dans La Prêche ou dans le Ournal de Monrial qu'il est possible de lire un article pareil!!!

Le Devoir fais ce que dois!


Et, c'est ici que je commence à te trouver désagréable et sans pertinence. Mauvais calembours, idées reçues et dogmatisme inique.
Fais ce que dois.

Montre-nous combien les méga-médias sont plus intéressants que Le Devoir.



Double Post:
(...)

À ce niveau, qui est coupable? Le gouvernement qui refuse de laisser le monde s'exprimer? Ou les manifestants qui tiennent  a leurs droits?
(...)
Les manifestants ont le dos large, mais la source du conflit remonte à l'intransigeance de John James.

Ça n'est même plus un combat pour les frais de scolarité, c'est devenu un combat pour les droits civiques.

L'art de faire pourrir les conflits!

Et comme l'intransigeance de l'un pousse l'autre à la désobéissance civile, qui est à blâmer?

« Modifié: juin 10, 2012, 06:15:47 pm par El Kabong »
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