Je suis d’accord avec Snookey. Comme je le disais précédemment (
https://forumdupeuple.com/index.php?topic=2810.msg343250#msg343250), si vous souhaitez que des absolutions (conditionnelles ou non) ne puissent plus être prononcées (serait-ce une bonne chose ? C’est une autre question) en matière d’agression sexuelle, c’est la loi qu’il faudrait changer. Il ne faut pas croire que tout est de la faute des juges ou qu’un juge est libre de faire tout ce qu’il souhaite : il doit respecter la loi, un certain nombre de principes, etc. Et en cas de problème, des voies de recours existent (Cour d’appel, Conseil de la magistrature, etc.). Contrairement à ce qu’ont souligné certains articles de presse (
https://www.lapresse.ca/actualites/chroniques/2022-07-23/gros-ete-pour-la-culture-du-viol.php), je ne crois pas que le juge Poliquin considérait « qu’il serait
si triste de nuire à [l]a carrière » de Simon Houle. Le juge Poliquin a, certes, employé certains mots que l’on peut trouver critiquables/inadéquats/inappropriés… Il a peut-être également mal apprécié les critères en question ; nous verrons ce que dira la Cour d’appel… En revanche, ce n’est pas le juge Poliquin qui a inventé les critères (légaux) d’attribution d’une absolution, et la « carrière de l’accusé » fait partie des éléments qui sont (visiblement) habituellement pris en considération par les juges lorsqu’il est question d’une absolution : « Au-delà du type d’infraction, le Code criminel prévoit que l’absolution doit être dans « l’intérêt véritable de l’accusé » […]. Généralement, ce critère sera rempli si l’accusé est une personne de bon caractère, sans antécédent judiciaire, qui ne présente pas de problème en matière de dissuasion spécifique, ni de réhabilitation, et pour qui les répercussions d’une condamnation seraient particulièrement néfastes. Cela signifie, notamment, que le tribunal ne doit pas craindre que l’accusé récidive. Pour bien illustrer ce que signifie l’expression « intérêt véritable », voici des exemples de personnes chez qui un tel intérêt pourrait être reconnu par les tribunaux : un jeune adulte ; un étudiant ; une personne qui perdrait son emploi en raison d’un antécédent judiciaire ; une personne qui doit voyager à l’étranger, par exemple aux États-Unis, que ce soit pour le travail ou encore pour visiter de la famille ; une personne qui fait partie d’un ordre professionnel ; une personne retraitée qui n’a jamais eu de problème avec la justice ; une personne avec un statut précaire au Canada, que ce soit celui de résident permanent ou un autre. »
https://www.verreaudufresneavocats.com/criminel-et-penal/absolution-eviter-casier-judiciaire/ Dans sa décision, le juge Poliquin a lui-même souligné que « L’arrêt
Gravel de la Cour d’appel du Québec le résume bien : même si les peines imposées aux personnes reconnues coupables d’agression sexuelle varient considérablement, étant donné le large éventail de comportements qui peut conduire à l’infraction d’agression sexuelle, force est d’admettre que l’emprisonnement ferme est la sanction privilégiée en cette matière. Évidemment, toute règle comporte des exceptions. Dans des circonstances appropriées, une peine plus clémente peut être envisagée. Ainsi,
la jurisprudence portant sur des victimes adultes révèle des peines allant de l’absolution à l’emprisonnement. L’absolution ne vise pas à accorder un traitement privilégié à certaines personnes, mais bien à éviter un effet disproportionné découlant de la condamnation et de l’existence d’un casier judiciaire. Elle n’est pas une mesure exceptionnelle qui [ne] doit être accordée que dans des circonstances exceptionnelles. Elle n’est pas non plus réservée ou limitée aux infractions mineures ou techniques. Au contraire, l’article 730 C. cr. n’exclut aucun crime, sauf ceux qui sont passibles d’une peine minimale ou de 14 ans ou plus d’emprisonnement. La mesure est même possible lorsque le crime peut être qualifié de « fléau », et chaque cas doit être évalué à son mérite. Autrement, les tribunaux créeraient des exclusions là où le législateur n’en prévoit pas, créant ainsi un danger réel que la peine devienne une réponse au crime uniquement plutôt qu’une peine juste et proportionnelle au crime et au délinquant. Au final, le tribunal qui impose la peine peut ordonner qu’un accusé soit absous s’il considère qu’il y va de son intérêt véritable sans nuire à l’intérêt public […]. Refuser d’ordonner que l’accusé soit absous en l’espèce, reviendrait à dire qu’une absolution n’est jamais possible en présence d’une infraction d’agression sexuelle. Or, il ne revient pas aux tribunaux d’exclure des peines que le législateur lui-même n’a pas exclues. La jurisprudence démontre d’ailleurs que
des absolutions ont déjà été octroyées dans des cas d’agressions sexuelles, de même que dans des situations qui interpellent normalement l’objectif de dissuasion générale et de dénonciation, comme des voies de fait causant des lésions corporelles ou du trafic de stupéfiants. À l’inverse […], le Tribunal constate que les décisions déposées par la poursuite qui condamnent les accusés à une peine d’emprisonnement sont difficilement applicables aux faits de l’espèce. La lecture de ces décisions révèle la présence de plusieurs facteurs aggravants qui sont absents en l’espèce, par exemple : un abus de confiance, un contexte conjugal, des antécédents judiciaires, la présence de violence outre celle intrinsèque à une agression sexuelle, une préméditation ou une planification, un rapport présentenciel négatif ou un risque de récidive. À l’opposé, des facteurs atténuants d’importance sont également absents comme l’absence d’un plaidoyer de culpabilité ou de démarches thérapeutiques. Au surplus, aucun de ces jugements ne fait état d’une démonstration particulièrement convaincante de réhabilitation de l’accusé. En terminant, il faut garder à l’esprit que l’absolution conditionnelle comporte un mécanisme par lequel un juge peut annuler l’absolution et infliger au contrevenant une peine pour l’infraction originale en plus de toute autre peine si le délinquant commet une nouvelle infraction. Ainsi, il serait faux de prétendre qu’une personne à qui l’on accorde une absolution conditionnelle s’en sort indemne après avoir commis une infraction. Elle est assujettie aux conditions de l’ordonnance de probation. Si les conditions sont respectées, elle aura mérité son absolution. À défaut, elle peut être ramenée devant le tribunal et condamnée pour l’infraction, et une condamnation sera enregistrée contre elle. »
Aussi, dans l’affaire "André Boisclair", le juge Labelle a souligné que : « Le principe établi par notre Cour d’appel est que, pour des infractions de nature sexuelle, la règle est habituellement,
mais pas toujours, une période de détention ferme […]. Tel que le disait le juge Tremblay de notre Cour : « La disparité des peines reflète bien l’attention que portent les juges aux particularités de chacun des dossiers. Parmi les circonstances retenues pour les peines sévères, on retrouve : le nombre et l’âge des victimes, la quantité, la nature et la durée des attouchements, la gravité des séquelles chez les victimes, la vulnérabilité de certaines victimes et la présence d’antécédents judiciaires ». Il est nécessaire de revenir sur l’expression de gravité objective moindre. Cette expression ne doit pas être comprise comme niant les conséquences dévastatrices qu’ont subies et subissent encore les victimes. Cependant, nous ne sommes pas face à un dossier où les agressions ont duré plusieurs années et où les gestes posés seraient plus graves ou plus intrusifs encore. »
https://forumdupeuple.com/index.php?topic=2810.msg343712#msg343712 https://forumdupeuple.com/index.php?topic=2810.msg343713#msg343713Dans l’affaire "Simon Houle", la poursuite réclamait une peine d’emprisonnement totale de 18 mois. Pour ce qui est de l’absolution, la poursuite estimait notamment qu’une telle mesure était « contraire à l’intérêt public », en l’espèce. La Cour d’appel ira peut-être (ou pas) dans son sens, nous verrons cela... En tout cas, je pense qu’il serait – selon le point de vue que l'on adopte – possible de « jouer » sur ce critère-là – « l’absolution ne doit pas nuire à l’intérêt public ». Par ailleurs, il y a ensuite eu les allégations de Vickie Vachon… Or, comme nous l’avons précédemment évoqué, « « il pourrait [= conditionnel] être démontré que Simon Houle a brisé la condition de bonne conduite de son absolution », affirme [l’avocat-criminaliste Me Charles B. Côté]. »
https://www.ledevoir.com/societe/justice/732477/simon-houle-dans-l-eau-chaude-peu-apres-son-absolution-conditionnelle