Elle revient sur le cas de l'ingénieur [...].
En parlant de cette affaire, j’ai effectué (car je trouve cela intéressant et instructif) une sorte de lecture comparative (en gardant à l'esprit que les faits en question, etc., n'étaient pas identiques) à la suite d’un message de Lisa, qui mentionnait (
https://forumdupeuple.com/index.php?topic=1788.msg343495#msg343495) une autre décision… Celle-ci :
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1898872/andre-boisclair-agression-sexuelle-justice-sentence.
Décision rendue dans l’affaire « Simon Houle »Jugement rendu dans l’affaire « André Boisclair »Dans les deux cas, les juges ont naturellement évoqué les faits, la situation des individus accusés, les conséquences des crimes sur les victimes, les principes et objectifs de détermination de la peine, etc.
Les conséquences sur les victimes :1)
Dans l’affaire « Simon Houle » : « Les conséquences des crimes sur la victime sont importantes.
Tristesse, déception, colère, frustration, honte, gêne, crainte de croiser l’accusé, hypervigilance, perte de confiance en elle, difficulté à faire confiance aux autres, isolement, insomnie, cauchemars, sentiment de culpabilité et d’injustice.
Sa consommation d’alcool et de médicaments a augmenté. Des idées sombres ont mené à son hospitalisation en psychiatrie pendant sept jours. Elle a également consulté plusieurs psychologues.
L’intimité avec son conjoint a été affectée pendant plusieurs mois.
Plusieurs absences scolaires ont entraîné des échecs et retardé la fin de son parcours universitaire d’une session.
Elle a été en arrêt de travail pendant cinq mois, avec comme résultat des difficultés financières pendant plus de deux ans.
Malgré l’absence de blessures physiques à proprement parler, l’importance de ses blessures psychologiques lui a causé indirectement des douleurs physiques.
La longueur du processus judiciaire lui a occasionné de la déception et du stress.
Sa famille et son conjoint ont également subi de l’incompréhension et de la frustration, augmentant le sentiment de culpabilité de la victime.
Avec le temps, ses craintes de revoir l’accusé ou de se placer à nouveau dans une situation semblable ont diminué. Elle n’est aucunement motivée par la vengeance et « souhaite la guérison des deux parties ». »
2)
Dans l’affaire « André Boisclair » : « F. B. a lu une déclaration. Il indique que depuis les évènements en 2014, sa vie a pris un tournant duquel il ne réussit pas à sortir. Il vit avec de l’anxiété, de la colère, de la douleur et un mal de vivre. Il a subi des périodes de dépression et, à certains moments, il a eu des idées noires.
Il a fait des thérapies dont les succès apparaissent pour le moins mitigés. Il a dû prendre de la médication disant vivre avec de grandes peurs. Tout cela a des répercussions dans sa vie. Il a vécu des échecs scolaires le conduisant à l’abandon de ses études. Alors qu’il était impliqué en politique, il vit maintenant avec une aversion pour les politiciens. Il ne peut plus s’impliquer socialement. Puisqu'il est isolé, il ressent un manque d’affection.
Il indique que ses plans d’avenir ont dû être mis au rancart et qu’il vit avec un sentiment d’échec.
D. N. a également lu une déclaration. Il explique qu’au moment des évènements, il venait de faire son «
coming out » seulement quelques mois auparavant et il commençait tout juste à s’épanouir. Les gestes posés par le délinquant ont causé une grande blessure qui n’est toujours pas guérie. Il indique que depuis l’évènement, il n’est pas capable de lâcher prise. Il tient le délinquant responsable de ses déboires.
Les gestes posés l’ont pris de court et il s’est dit paralysé. »
Les facteurs atténuants retenus :1)
Dans l’affaire « Simon Houle » : « - Le plaidoyer de culpabilité […] ;
- L’accusé n’a qu’une seule condamnation antérieure en matière d’alcool au volant, donc aucune condamnation en matière de violence ;
- Le jeune âge de l’accusé lors de la commission de l’infraction, soit 27 ans ;
- Les remords, regrets et excuses sincères et véritables de l’accusé ;
- Le processus thérapeutique entrepris rapidement et avec sérieux ;
- La franchise et la transparence de l’accusé ;
- Le rapport présentenciel très positif ;
- Le faible risque de récidive ;
- Le fait qu’il a toujours été un actif pour la société ;
- La démonstration particulièrement convaincante de réhabilitation de l’accusé […]. »
2)
Dans l’affaire « André Boisclair » : « - Il est sans antécédents judiciaires;
- Il enregistre des plaidoyers de culpabilité, avant la tenue d’une enquête préliminaire ou du procès, ce qui a évité aux victimes de témoigner;
- Il a entrepris une thérapie pour la consommation de stupéfiants et un suivi thérapeutique;
- Il bénéficie de support de la part de sa famille et de ses amis. Ceci indique qu’il n’est pas isolé et que des gens seront là pour l’aider pendant sa réinsertion après la détention. Cela diminue d’autant les risques de récidives et de rechutes;
- Il a toujours été un actif pour la société;
- Il a fourni une lettre d’excuses aux victimes;
- Bien que je ne possède pas de rapport présentenciel, par les démarches effectuées par M. Boisclair, je suis satisfait que le risque de récidive qu’il représente est bien encadré, sinon faible. »
Les facteurs aggravants retenus :1)
Dans l’affaire « Simon Houle » : « - La gravité des atteintes à l’intégrité physique et psychologique de la victime;
- Les conséquences importantes des crimes sur la victime;
- Les conséquences pour ses proches;
- L’abus de la vulnérabilité de la victime découlant de son état d’inconscience. »
2)
Dans l’affaire « André Boisclair » : « - Il y a deux agressions;
- Les lourdes et difficiles conséquences avec lesquelles les victimes doivent composer;
- Même s’il ne s’agit pas d’un abus de confiance tel que définit 718.2 a) (iii) du Code criminel, je suis d’avis que le statut de M. Boisclair est un facteur qui lui a permis de faire la rencontre des deux victimes […]. »
Les fourchettes / principes applicables en matière d’agression sexuelle :1)
Affaire « Simon Houle » : « L’arrêt
Gravel de la Cour d’appel du Québec le résume bien : même si les peines imposées aux personnes reconnues coupables d’agression sexuelle varient considérablement, étant donné le large éventail de comportements qui peut conduire à l’infraction d’agression sexuelle, force est d’admettre que l’emprisonnement ferme est la sanction privilégiée en cette matière.
Évidemment, toute règle comporte des exceptions. Dans des circonstances appropriées, une peine plus clémente peut être envisagée.
Ainsi, la jurisprudence portant sur des victimes adultes révèle des peines allant de l’absolution à l’emprisonnement.
L’absolution ne vise pas à accorder un traitement privilégié à certaines personnes, mais bien à éviter un effet disproportionné découlant de la condamnation et de l’existence d’un casier judiciaire.
Elle n’est pas une mesure exceptionnelle qui [ne] doit être accordée que dans des circonstances exceptionnelles. Elle n’est pas non plus réservée ou limitée aux infractions mineures ou techniques.
Au contraire, l’article 730 C. cr. n’exclut aucun crime, sauf ceux qui sont passibles d’une peine minimale ou de 14 ans ou plus d’emprisonnement.
La mesure est même possible lorsque le crime peut être qualifié de « fléau », et chaque cas doit être évalué à son mérite. Autrement, les tribunaux créeraient des exclusions là où le législateur n’en prévoit pas, créant ainsi un danger réel que la peine devienne une réponse au crime uniquement plutôt qu’une peine juste et proportionnelle au crime et au délinquant.
Au final, le tribunal qui impose la peine peut ordonner qu’un accusé soit absous s’il considère qu’il y va de son intérêt véritable sans nuire à l’intérêt public.
L’intérêt véritable de l’accusé suppose que ce dernier est une personne de bonne moralité, qui n’a généralement pas d’antécédents judiciaires, qui ne présente pas de problème en matière de dissuasion spécifique et de réhabilitation, et que cette mesure aurait à son égard des conséquences particulièrement négatives ou disproportionnées.
Pour établir ces conséquences disproportionnées d’une condamnation pour un accusé, il n’est pas nécessaire de démontrer que ces conséquences se manifesteront réellement; il suffit qu’une possibilité réelle existe.
Quant à l’intérêt public, il s’évalue, entre autres, par la gravité de l’infraction, son incidence dans la communauté, le besoin de dissuasion générale, l’attitude du public à son égard et par l’importance de maintenir la confiance du public dans le système judiciaire.
L’intérêt public comporte également le fait que l’accusé ait la possibilité de devenir une personne utile dans la communauté et qu’elle puisse assurer sa subsistance et celle de sa famille.
Enfin, s’il faut, à l’occasion de l’évaluation de l’intérêt public, être sensible à la réaction de la personne raisonnable et bien renseignée, cette sensibilité ne peut amener le juge à refuser une peine si elle est adéquate.
En effet, la personne raisonnable et bien renseignée convient des principes et objectifs de détermination de la peine, lesquels impliquent que la réponse à une déclaration de culpabilité est variable. »
2)
Affaire « André Boisclair » : « Le principe établi par notre Cour d’appel est que, pour des infractions de nature sexuelle, la règle est habituellement, mais pas toujours, une période de détention ferme.
Dans la décision
Côté, notre Cour d’appel indique qu’une peine de 18 mois est appropriée pour une personne qui a pénétré une victime inconsciente alors qu’il était accompagné de son frère.
La Cour d’appel dans la décision
Oum, rappelle qu’une seule agression, ici d’avoir touché le clitoris d’une colocataire qui était endormie et d’avoir procédé à une pénétration digitale, doit se retrouver dans une fourchette de 12 à 20 mois.
La Cour confirme d’ailleurs la peine imposée en première instance de 18 mois de détention.
De plus, les auteurs Parent et Desrosiers rappellent que les peines de moins de 24 mois de détention sont appropriées lorsqu’il s’agit d’un évènement unique, de gravité objective moindre et qui ne concerne qu’une seule victime. Par ailleurs, il ne s’agit pas d’une règle absolue et il est nécessaire que les peines soient individualisées aux circonstances particulières de chaque dossier et aussi au délinquant. Tel que le disait le juge Tremblay de notre Cour :
« La disparité des peines reflète bien l’attention que portent les juges aux particularités de chacun des dossiers. Parmi les circonstances retenues pour les peines sévères, on retrouve : le nombre et l’âge des victimes, la quantité, la nature et la durée des attouchements, la gravité des séquelles chez les victimes, la vulnérabilité de certaines victimes et la présence d’antécédents judiciaires ».
Il est nécessaire de revenir sur l’expression de gravité objective moindre. Cette expression ne doit pas être comprise comme niant les conséquences dévastatrices qu’ont subies et subissent encore les victimes. Cependant, nous ne sommes pas face à un dossier où les agressions ont duré plusieurs années et où les gestes posés seraient plus graves ou plus intrusifs encore.
Considérant la panoplie des peines qui ont été imposées par le passé, je suis convaincu que la suggestion faite se retrouve dans les fourchettes établies, et ce, pour les deux accusations. »
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