Quand on a démarré ce sujet, il y a 8 ans (!), j'essayais de donner des exemples montrant que la culture nord-américaine tend à banaliser les violences sexuelles, et je m'inquiétais du fait que l'omniprésence des représentations humoristiques, artistiques, publicitaires (etc.) et l'absence de conséquence à tenir des propos dégradants (ou même violents) contribuaient au sentiment d'impunité des personnes qui commettent ce genre de crimes.
Systématiquement, on me disait que je m'offusquais pour rien (ou pour pas grand chose). Que mes exemples étaient isolés, hors contexte, sur analysés... que "not all men" et que "culture du viol" était vraiment une expression inappropriée pour décrire les manifestations ce phénomène.
Puis il y a eu le premier #metoo (#balancetonporc, #agressionnondénoncée), Bill Crosby, Grab 'em by the pussy, Harvey Weinstein, le deuxième #metoo et les grandes vagues de dénonciation, la nomination de Brett Kavanaugh à la SCOTUS malgré les allégations de Christine Blasey Ford, et des journalistes qui ont travaillé très fort pour exposer comment, dans chaque situation où un prédateur fait de nombreuses victimes sans être inquiété, il y a un système qui permet à ce prédateur de continuer à opérer tout en protégeant son intégrité et sa réputation. Dans certains cas, le système était si bien rodé qu'il permettait même au prédateur d'être mis en contact avec de nouvelles proies. Un système qui, chaque fois, considérait que la contribution de l'agresseur à la société primait sur la sécurité de ses victimes.
Comme dans ce jugement.
J'ai arrêté d'intervenir dans ce sujet il y a plusieurs années parce que les discussions qui y étaient tenues m'agressaient au plus haut point et ne reflétaient tout simplement pas mon expérience en tant que femme survivante d'agression sexuelle, qu'il me semblait impossible que ces discussions puissent mener à une meilleure compréhension des enjeux qui me préoccupaient personnellement, et que l'espace public allait prendre le relais.
J'ai fait une exception ce matin, parce que si j'ai un souvenir cuisant de Snookey qui affirmait que "le problème est du côté de ceux qui s'offusquent pour pas grand chose", je me sens assez confiante aujourd'hui pour dire que non, le problème n'est pas de notre côté. Le problème est au cœur des structures de la société, de l'environnement public qui scrutinise les victimes et leurs actions, de la nature du crime qui rend difficile la collecte de preuves, du système judiciaire qui fait des dénonciations une épreuve, du système de justice qui ne se soucie même pas d'appliquer la loi et la jurisprudence... Et aujourd'hui, je ne m'offusque plus, j'ai juste envie de crisser le feu. Je ne comprends pas comment on peut assister à cela sans colère ni révolte.