Une autre chose que ces chiffres ne disent pas, c'est que le pouvoir d'achat augmente mais (1) il prend une part de l'économie non monétaire qui n'est pas comptabilisé dans ces chiffres et (2) il est accaparé aussitôt par de nouvelles "nécessités".
Je commence pas le point 2) Quand ma mère était jeune, un couple au salaire moyen avait facilement 5, 6, 8 enfants. Du terrain et au moins une bâtisse qui tient. C'était habituellement un seul qui travaillait. Le revenu médian aujourd'hui est d'environs 55 ou 60 000 au Québec, pour deux personnes qui travaillent et personne ne peut avoir la même chose, une propriété et une aussi grande famille avec ça, même avec un taux d'intérêt très bas.
(1) Mon grand-père n'avait pas de piscine, mais la Rivière des Prairies et la Rivière Chateauguay, où il a habité successivement, étaient baignables. Ils avaient des jardins, ils faisaient ses meubles, ma grand-mère cousait, les enfants portaient le linge du grand frère, etc.
Jamais mes grands-parents auraient pensé acheter plus d'un ou deux jouets par année aux enfants. Au pire, le bonhomme montrait au grand-frère comment gosser une poupée ou une voiture en bois aux plus jeunes. Moi j'ai eu des bonhommes en plastique, mais le château était bricolé dans une belle boîte en carton. Aujourd'hui, les kids reçoivent des tas de jouets chaque année. S'ils portent le linge des plus grands, qu'ils mangent des affaires maison, ou qu'ils n'ont pas le dernier truc électronique à la mode, ils se font écoeurer à l'école. Les gens ne font plus de bouffe, ils vont au restos, etc. Pas toujours par choix mais par ce qu'ils se laissent entraîner, ils vivent comme leurs proches.
C'est ça que les chiffres mesurent. Je ne dis pas que je suis nostalgique du "bon vieux temps", je dis que l'économie traditionnelle était en grande partie non-monétaire, les gens achetaient des matériaux, des ingrédients, de l'huile, des rouleaux de textile, un hachoir à viande, et le reste, ils le faisaient eux-même en bonne partie, se l'échangeaient entre eux. Sous le radar. Et ça tes chiffres ne le calculent pas. Il faudrait essayer d'estimer ça.
Quand on parle des peuples du tiers-monde, des gens qui vivaient de la pêche ou de l'élevage, qui se construisaient en terre cuite (certains immeubles en terre cuite ont 800 ans et tiennent debout) avec les matériaux sur place, puisaient l'eau du puit, ce n'est pas calculé. Au fur et à mesure que leur revenu monétaire augmente, les ressources jadis gratuites (y compris techniques et culturelles, gratuites par la transmission) ces ressources sont remplacées par une alternative commerciale, elles se dégradent ou elles disparaissent à jamais.
Là où ils étaient autonomes, ils sont de plus en plus dépendant de l'argent et du pétrole et oui, leur niveau de vie augmente, mais les dommages causées à leurs moyens traditionnels de subsistance sont irréversibles, alors que le pétrole, lui, est éphémère. C'est juste mathématique.
Je veux bien répondre à tes graphiques et tes arguments qu'on voit partout (les optimistes du développement publient plein de trucs là-dessus) mais ça ne répond pas à ce qu'on dit. C'est à côté du point. Un argument, ça serait la fusion nucléaire pas chère, mais j'aurais d'autres objections et ça ne résoudrait pas tellement d'autres problèmes imminents. Mais dire simplement "regarde les chiffres des dernières décennies, ça continue d'avancer ou de stagner au top" ça ne contredit pas le point. C'est pas parce qu'on est plus haut, plus vieux, plus riches, qu'on est plus durables, au contraire, même.