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 L'Encyclopédie du Peuple

Auteur Sujet: La vieille parlure  (Lu 279 fois)

Charlemagne

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La vieille parlure
« le: octobre 08, 2023, 09:00:48 am »
+1
Mon grand père paternel vient de Montréal, comme son père, et ainsi de suite jusqu’en 1864 quand ils ont déménagé sur ce qui allait devenir le plateau. A ma connaissance, il n’avait pas vraiment d’accent ou d’expression mais j’ai appris beaucoup trop tard qu’il en cachait devant nous. Sa mère, femme froide, veuve, fière, leur faisait enlever tout ce qui les rapprochait du petit peuple.

Mon grand père a marié une montréalaise originaire de St-Jerome. Elle venait d’une famille riche mais son père était un ivrogne. Elle a grandi dans la misère totale. Par contre, elle lisait beaucoup, pour voyager, pour s’améliorer. Pour moi, elle avait l’accent de Montréal, des R qui roule, poèl pour dire poil, Biseball au lieu de baseball. Un vinyle était un ricord ( pour record).

Elle appelait son père pôpâ. Un jour, en cherchant dans mes ancêtres, j’ai entendu un entrevue de la fille de Isidore Martin, le Isidore du curé Labelle. C’est un entrevue des annes 40 environs et j’ai réalisé qu’elle avait le meme accent que ma grand mère. Ça faisait du sens, celle qui parlait était la petite cousine a ma grand mère. C’était intéressant, c’était plus que des mots, c’est la longueur des phrases, les endroits où se trouvaient les respirations, l’intonation à la fin des phrases. Les phrases finissait souvent en questions qui signifiait la même chose qu’un « tu me suis ? » . Comme dans : dans le temps, les chars étaient noir parce que c’était pas salissant han?

Ça fait que j’ai réalisé que ma grand mère avait un accent.

Du côté à ma mère, ça, je le savais pour les accents. Mais j’ai appris tard que ma grand mère maternelle le cachait quand elle nous parlait, elle parlait le montrealais. Ma ligne maternelle vient de la Beauce. Il y a des J partout. Un lièvre est un djievre, une guêpe est une djepe, un hibou est un Djibou.

Y a rdjien là.
Une ma’hine

Ça m’a rendu curieux, j’ai trouvé un livre sur les légende de la Beauce et il y avait une section sur l’accent et les expressions et j’ai découvert que j’en utilisais plusieurs sans m’en rendre compte. Pas des grosses choses, mais dans mon école de quartier, ça faisait rire les autres quand je mettais ma froque. J’ai commencé a dire manteau.

Un char performant était un char « nerveux »

Le gars dans ma classe qui mince mais fort était nerfé.

Pis un jour, j’ai rencontré une jolie gaspésienne. Originaire de Murdoch mais sa famille venait du côté nord, cap chat, gros morne, madeleine. J’aimais la région mais pas assez pour y habiter, ça fait que je l’ai amené chez nous.

Le côté nord n’a pas l’accent typique de la Gaspésie comme par exemple un Kevin parent, mais ils ont la même chaleur. Le même « je m’en câlisse » qui était un peu comme ma famille beauceronne mais tout le contraire de ma famille de Montréal.

Ma blonde dit Crâbe au lieu de crabe. Ça me faisait rire quand j’étais jeune, je lui disais que c’était pas la bonne façon. Un jour, sur ce forum où lui d’avant, il y a eu une discussion sur le mot baleine et je suis pas mal sur que c’est Simone qui avait dit; c’est eux qui la pêche, qui vivent avec, c’est eux qui ont la bonne prononciation. Et j’ai commencé a accepté crâne même si je dis crabe. J’ai accepté leur mot, ils acceptaient le mien.

A force de travailler avec le beau-père, à force de l’entendre sacrer, forcer, raconter, les expressions ont commencer à coller. Surtout qu’il les aimaient ses expressions. Il s’amusait à en sortir à chaque fois qu’il parlait d’un ancêtre qui avait son patois. Beaucoup ressemblait à ceux de la Beauce.

Sans m’en rendre compte, j’en ai greffé à mon language. J’ai perdu la raideur sociale de mon père, j’ai mis de la couleur d’la communication, j’ai pris des traits de conteur de mon beau-père.

Récemment, je travail dans un bureau, j’ai réalisé que j’étais rendu avec un language de col-bleu. C’est ce qu’une chargé de projet m’a dit. Elle a plus précisément dit que si elle voyait un pick-up trop gros pour être en ville, parké de travers sur le trottoir, elle pensait à moi. Ça fait 10 ans que je la connais, je le prends pas mal. Mais j’ai réalisé pourquoi mes derniers mois dans un bureau était pénible. Mais ça, c’est un autre sujet. Et pour le chantier, je suis un gars de bureau. Bref, je suis jamais chez nous.

Pour elle, ce n’était pas un insulte, c’était une sorte de compliment. Pour elle, d’origine suisse, avec son accent pointu, marié à un riche informaticien, habitant sur le plateau, conduisant une Tesla, bref une parfaite bohème bourgeoise, j’étais la porte d’entré sur un monde qu’elle comprenait mal mais qu’elle aimait: les gars de chantiers.

Parenthèse, j’ai eu deux trois filles dans mon équipes et j’essaie de m’habitue à ne plus dire des gars de chantier mais plus plutôt des gens de chantier mais ça fâche les filles parce qu’elles disent qu’elles veulent faire partie des gars de chantier. Je sais pas encore comment dealer avec ça.

J’ai vu sur Instagram un louisianais, Thibodeau, qui parlait de la défense de sa langue et je trouve ça beau de le voir voir défendre sa langue, aussi beau que d’entendre son accent et ses expressions.

Ça fait que j’ai décidé d’assumer de passer pour un colon, d’assumer mes expressions et j’ai décidé de donner comme cadeau à mes enfants la couleurs de leur origine; la parlure de leur ancêtre.

Je vais pas hâler mes feutres sur celle-là.

En avez vous des expressions qui traine dans la famille ? Allez vous les partagez à vos enfants ? En êtes vous gêné ? Si oui, pourquoi ?


MadChuck

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La vieille parlure
« Réponse #1 le: octobre 08, 2023, 12:44:44 pm »
+1
Je me demande si Internet va complètement tout aplatir, j'imagine qu'a une certaines époques expressions-accents pouvait changer très vite géographiquement parlant, familles par familles, puis village par village, en 2023 les participants d'OD utilisent beaucoup des expressions qui étaient relativement neuves en Californie il n'y a pas longtemps.

Dans les expressions-parlure de grand-parents familiale un peu gênants: ptits-Juifs disons si tu vois un écureuil voler des peanuts.

Aussi je me demande quand des expressions finissent par mourir versus survivre, mais si les gens n'ont plus le référent parce qu'elles parlent d'elle-même (disons Loose cannon peut survivre même si la technologie militaire rend le problème très rare et qu'un très petit pourcentage de la population utilisent des cannons)

Armoires à glace ?
manger les plumes sur le dos
tête a Papineau
30 sous pour dire 25 cents

J'imagine qu'avec le temps bien des références-expressions disparaissent n'évoquand plus d'image qui ont du sens chez les nouvelles générations, les expressions basé sur la forge, agriculture, pêche disparaissent et ont en voit apparaitre sur les jeux vidéos, telecomm, application de téléphone populaire etc..

cibiou

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La vieille parlure
« Réponse #2 le: octobre 10, 2023, 09:20:46 am »
+2
Ayant grandi à plusieurs endroits différents mais francophones, je pense avoir un accent et des expressions très/trop neutres.

Il y a quelques années, j'ai décidé de réintroduire quelques éléments de langages qui me viennent de mon héritage paysan, et très spécifiquement le fait de prononcer le "t" de "vingt", ce qui caractérise les gens de l'est de la France.

J'aime bien utliiser "avoir meilleur temps", qui me vient de mon adolescence franc-comptoise, et quelques autres qui traînent, mais à force, je ne sais plus d'où elles viennent.

J'aimerai transmettre, mais j'ai déjà trop perdu je pense pour qu'il en reste beaucoup chez mes enfants.


Après, on a quelques expressions qu'on utilise en famille
"Achabatz d'entrar.", du patois de Corrèze que ma mère utilise encore pour inviter les gens à entrer à la maison
"une paire de jours" qui ne signifie pas "deux jours" mais "quelques jours", de mon père de l'est
"khallas - c'est fini", mes parents ont passé plusieurs années dans des pays arabes
"mapolo fifiya", ça, c'est les dames de la maternelle au Togo qui nous menaçaient mon frère et moi, qui voulait dire "je vais te taper maintenant"
"makan" "can lah?", ça c'est avec mon conjoint, on utilise entre nous encore du singlish; et j'appelle mon fils "boy boy" dans le même vocable

« Modifié: octobre 11, 2023, 03:36:52 am par cibiou »

cibiou

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La vieille parlure
« Réponse #3 le: octobre 26, 2023, 04:25:45 am »
+2
Juste pour revenir là dessus, j'étais en Corrèze récemment et j'ai entendu l'expression de ma mère, mais en traduite en français, et utilisé par quelqu'un d'assez jeune. ça continue à vivre!

Un peu plus loin, un ancien (80?) nous montrait une vieille machine agricole et il n'arrivait pas à nous expliquer en français, il utilisait du patois pour décrire des pièces et des actions agricoles - tel que ses propre père et grand-père lui avaient appris.
D'ailleurs, c'est un coin où on utilisait encore des mots en patois pour s'adresser aux vaches dans mon enfance ("ven" pour les faire venir vers nous par exemple)