Vendredi soir, j'ai eu l'honneur de prononcer le "discours patriotique" dans le cadre de La fête nationale dans Villeray. Je vous le partage.
"Je suis né ici. J'ai grandi ici. Les rues de Villeray, ce sont les rues de mon enfance. Je suis allé à l'école St-Gérard, tout près. C'est dans cette école que j'ai appris à connaître le Québec, sa culture et son histoire. C’est dans cette école qu’on m’a inculqué le sens de la solidarité. C’est dans cette école que j’ai découvert, dans le contact avec les autres, la richesse de la diversité. Je m'en souviens comme si c'était hier. C'était une vraie école de quartier, typiquement montréalaise, typiquement québécoise : les parents se connaissaient, les enfants – de toutes origines – étaient entourés de professeurs dévoués, patients. Comme des millions d’enfants, j’ai reçu en cadeau le plus beau de ce que le Québec a à offrir: une éducation publique, gratuite, un quartier paisible où grandir.
En 2013, on a découvert que les murs de l’école St-Gérard était rongés par la moisissure. Les experts ont dit que c’était dangereux pour les enfants. Cette année-là, on a détruit l'école de mon enfance. Aujourd'hui, elle n'existe plus. Il ne reste plus qu'un immense trou.
Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais à chaque fois que je passe devant les ruines de mon ancienne école, ça me rend triste. À chaque fois, j'ai l'impression que cette histoire illustre la direction que le Québec prend depuis quelques années. On dit que la manière dont une société traite ses enfants illustre la confiance qu'elle a en son propre avenir. Si on se fie à ce qui est arrivé à mon école, le Québec de 2016 n'est pas très optimiste.
On coupe, on rationalise, on restreint, on comprime, mais qu'est-ce qu'on construit? Nous avons des cibles budgétaires, des objectifs de productivité, nous avons beaucoup d'états de comptes et de factures, mais où sont passés nos rêves de liberté?
Ce qui, aujourd'hui, menace le Québec, ce ne sont pas ceux qui sont nés ailleurs, ce ne sont pas ceux qui ont une langue maternelle différente. Ce qui menace notre culture et notre identité, ce ne sont pas ceux qui pratiquent telle ou telle religion. Non. Ce qui menace le Québec, c'est la destruction de toutes ces institutions où nous pouvons nous retrouver, ensemble, peu importe nos origines.
La solidarité, l'appartenance à un pays, ça tombe pas du ciel. Ce qui fait que nous formons un peuple, c’est ce que nous construisons ensemble, tous les jours. Ce qui nous permet d'exister comme peuple c’est bien sûr notre langue commune, mais cette culture ne vit pas suspendue dans les airs. Elle s’incarne dans nos CPE, nos musées, nos écoles, nos hôpitaux.
Quand ces institutions s'effritent, notre solidarité s’affaiblit. Et quand notre solidarité s'affaiblit, on est tenté de chercher des coupables, on est tenté de pointer du doigt. Partout au Québec, des démagogues tentent de nous diviser : Montréal contre Québec, les étudiants contre les travailleurs, les « de souche » contre les immigrants... Il faut refuser de jouer ce jeu, il faut refuser de se laisser diviser, il faut refuser de se laisser affaiblir.
On ne construit rien sur la peur. Ce dont le Québec a besoin, ce que je nous souhaite à tous en cette Fête nationale, c'est de reprendre confiance en nous-mêmes.
On est capables. On vient de loin. On a d'abord été des français d’Amérique, puis des Canadiens, puis des Canadiens-français. Finalement, nous sommes devenus des Québécois. Aujourd'hui, nous sommes des Québécois. Ils ne nous restent plus, au fond, qu'une seule chose à faire : devenir des Québécoises et des Québécois libres. Libres de parler, pour eux-mêmes, et libres de dire qui ils sont et ce qu’ils veulent.
Il n'y a rien de plus normal que la liberté, rien de plus naturel pour un peuple que l'indépendance. C'est faire ce qu'on a faire, c'est prendre nos décisions, comme on le fait tous les jours de notre vie : quand on décide d'ouvrir un café au coin de la rue, quand on s'occupe de sa mère qui est malade, quand on aide son voisin à pelleter son entrée. C'est gérer nous-mêmes notre économie, comme des amis qui se partent une coop et qui choisissent de construire ensemble leur avenir, parce qu'ils sont tannés d'attendre après les autres.
Et bien je pense qu'il est temps d'arrêter d'attendre après les autres, je pense qu'il est temps de se mettre au travail. Au lieu d'écouter les chefs de parti débattre en notre nom, il est temps de se remettre à parler entre nous, de recommencer à penser notre avenir. Il est temps de se débarrasser des élites corrompues qui se servent du Québec au lieu de le servir. Mon cher Québec, c'est à ton tour de faire du ménage, de faire des mises à pieds. Il faut congédier ceux qui nous empêchent d'avancer, il faut reprendre le contrôle sur le Québec. Nous avons la possibilité, nous avons le devoir de nous remettre en marche, de nous remettre à reconstruire notre avenir.
Reconstruisons l'école St-Gérard;
Reconstruisons toutes nos écoles;
Reconstruisons nos hôpitaux;
Reconstruisons nos régions;
Reconstruisons notre Québec.
C'est un chantier immense, c'est une tâche énorme, mais nous nous égarons si nous pensons qu'il n'y a pas déjà des milliers de personnes qui y travaillent.
Car la bonne nouvelle, et la grève étudiante de 2012 en est le rappel le plus proche, c'est qu'il existe déjà dans ce pays des gens qui veulent autre chose pour le Québec que l'austérité et les pipelines :
Il y a des étudiants qui étudient pour autre chose que l'argent;
Des professeurs qui ont le souci de la culture;
Des citoyennes qui protègent leur école publique;
Des travailleurs qui ont encore le sens du bel ouvrage et qui n’ont pas peur de faire la grève quand il le faut;
Des agriculteurs qui protègent le territoire;
Des musiciennes qui se rappellent Pauline Julien;
Des entrepreneurs qui ont le sens du service à la collectivité;
Des militantes qui se rappellent des luttes sociales qui ont fait du Québec ce qu'il est.
C'est à ces gens-là qu'il nous faut s'attacher pour devenir vraiment libres, c'est avec ces gens-là que nous ferons l'indépendance. Nous n'avons pas de tâche plus haute, pas de projet plus fort.
Allez! Au travail Villeray! On s'élance, on avance, on marche, on fonce!
Bonne fête nationale!"