J'ai sorti mon ordinateur du garde-robe pour répondre à ce sujet, parce que c'est comme impossible de rédiger un message substantiel en tapotant sur le iPad (en tout cas, moi, je ne suis pas capable).
Je vais essayer une forme un peu à la Jivre/Jay, de manière plus diachronique que hiérarchique.
Je viens d'un foyer assez diversifié au niveau musical. En bon camionneur, mon père est essentiellement un amateur de musique country, tant québécois que américain. Il fait beaucoup tourner de Marcel Martel, Willie Lamothe, Bobby Hachey, Édouard Castongay, les Daraîche... et évidemment, Willie Nelson, Johnny Cash, Hank Williams, Kenny Rogers, Elvis Presley... un peu de Patsy Cline et de Dolly Parton... Que des grosses pointures, rien qui sort l'ordinaire je dirais. Il aimait aussi la grande chanson française (Aznavour, Brel, Piaf) et québécoise (Félix, Gilles Vignault), mais on dirait que je ne me souviens pas vraiment qu'il fasse jouer cette musique (vs le country). C'est aussi un fan fini de Nana Mouskouri (je pense qu'il la trouve chix) et il fredonne souvent Un canadien errant en faisant son café le matin. Ma mère a des intérêts un peu plus variés, elle aime les paroliers québécois (Paul Piché, Robert Charlebois, Claude Dubois), le rock plannant (Pink Floyd, Rush), la pop (Michael Jackson, j'ai son vinyle de Thriller dans mes affaires). Mes parents se rejoignent sur les standards du rock (Chuck Berry, Wanda Jackson) et sur beaucoup de groupes québécois - québécois-ish (Beau Dommage, Jim et Bertrand, etc. etc.). La radio était très souvent synthonisée sur les weekends rock n' roll. C'est donc eux qui ont jeté les bases de mon éducation musicale.
Petite, je n'ai pas souvenir d'avoir écouté énormément de musique (pas de la façon dont ma fille actuellement écoute les mêmes 5 chansons maintenant), mais je me rappelle avoir souvent passé la cassette de Johanne Blouin qui chante Félix Leclerc sur mon magnétophone Fisher-Price. Un peu le premier album de Kashtin. La tune "Les chats sauvages" de Marjo. C'est flou.
Je commence à m'intéresser plus activement à la musique au début de l'adolescence. Avant ça, j'écoute parfois le 6 à 6 à CKOI et j'enregistre certaines chansons sur des cassettes, mais plus pour "suivre" la tendance que d'autre chose. J'ai quelques CDs, surtout des compilations genre Dance Mix 95 (tout le monde a eu Dance Mix 95, non?). J'ai aussi eu une petite phase Bon Jovi, à l'époque de This ain't a love song.
Un premier élément déclencheur: je suis en visite à Rimouski et ma cousine Sylvie vient de s'acheter la version CD de
The Beatles 1962-1966 et The Beatles 1967-1970. Elle est en secondaire 5 et je la trouve pas mal cool de s'intéresser à de la "vieille" musique, en dépit de ce qui est populaire ou non. Elle me fait une copie des deux CD double sur des cassettes vierges 90 minutes, donc il manque probablement une ou deux tunes à la fin. (Ma mère, pendant ce temps, se fait faire par ma marraine une copie du premier album d'un anglophone qui chante en français et qui vient de la Gaspésie, et c'est comme ça que Kevin Parent est entré dans nos vies). Je suis super contente et je pars avec mes deux cassettes qui se succéderont à l'infini dans mon walkman. À l'époque, je préfère les gros succès de 1962-1966 qui ont déjà joué chez nous quand j'étais petite. Elle me prête aussi une biographie de John Lennon en français. J'ai 12 ans - on est donc en 1996.
Un deuxième élément déclencheur: toujours en secondaire 1, mon amie Chantal capote bien raide sur
Queen, une obsession qui lui vient de sa soeur Renée. Toute cette famille est infiniment quirky et nerd, et j'aime bien comment ils font les choses juste pour eux, sans se soucier de plaire à qui que ce soit. Ça me donne envie de m'intéresser à Queen même si je n'y connais pas grand chose, et justement, un des sujets de discussion avec mon amie est la sortie imminente en CD du best of The Very Best of Queen (et de comment c'est absurde puisque les deux disques existent déjà de manière séparée). Faisant fi de l'opinion de Chantal, je demande à ma mère de m'acheter le double disque dès qu'il sort en magasin, ce à quoi elle consent parce que ma mère est cool. OMG. Bohemian Rhapsody, Don't stop me now, You're my best friend, I want to break free, Under pressure, Radio Gaga, The show must go on... TOUT est bon là-dessus. Je me fais une copie cassette des deux disques, et lesdites cassettes entrent dans la rotation sur mon discman.
Un troisième élément déclencheur: secondaire 2... cédant à une impulsion que je ne comprends pas, j'utilise mon argent de poche pour acheter LA compilation de toutes les compilations,
Big Shiny Tunes 2. Blur, Radiohead, Marilyn Manson, Prodigy. Un monde s'ouvre à moi et je ne le sais même pas.
Quand je pars en France cet été là, j'amène seulement 4 cassettes. Les Beatles, Queen et BST2. Ça donne un peu une idée de mon paysage musical à cette époque.
Après, mes souvenirs musicaux sont un peu confus et surtout, beaucoup influencés par le fait que j'essaie désespérément de trouver ma place dans un groupe d'amis et qu'à l'adolescence, la filiation passe beaucoup par la musique. Je sais que j'ai acheté la cassette de Dubmatique pas longtemps après BST2. Je peux d'ailleurs rapper La force de comprendre de mémoire encore aujourd'hui. Les gens qui écoutent Dubmatique écoutent aussi L'école du micro d'argent et d'autres trucs du genre. Des affaires plus bizarres aussi, genre 2 Bal 2 Neg. Je ne me sens pas attirée par cette musique, mais j'aime écouter les textes. Finalement, je ne me sens pas à ma place parmi ce groupe d'amis, mais je retiens au moins une certaine curiosité pour le rap français. On sent déjà que mes intérêts musicaux vont être variés.
Élément déclencheur numéro 3: une fille du groupe d'amis avec qui je vivote se fait "un p'tit chum" plus âgé que nous, qui trippe bien gros sur le nu metal. Elle introduit dans la rotation musicale du groupe
Korn - Life is peachy, essentiellement pour faire plaisir à son chum qui déteste le rap qu'eux écoutent le reste du temps. J'adore ça. Je découvre la musique plus lourde, et j'ai l'impression que ça m'a manqué depuis toujours. À ma fête suivante, je demande à ma mère le nouvel album de Korn en cadeau (Follow the leader), qui est sorti comme trois semaines avant ma fête. Comme ma mère est cool (voir précédemment), elle me l'offre et mon horizon s'élargit. Dans les faits, Korn est un band qui m'intéresse assez peu maintenant, et qui ne m'a pas intéressé tant que ça à l'époque non plus - même si Life is peachy est un super album. Mais le groupe a ouvert une porte.
Élément déclencheur numéro 4: à peu près en même temps que la découverte de Life is peachy, je découvre... LES ZINTERNETS! Et les chats. (Pour mémoire, on est en 1998.) Je me tiens sur un chatroom québécois (dont j'ai oublié le nom, ça va bien) et je rencontre probablement l'une des personnes qui m'a aidé à construire un grand pan de ma vie musicale, qui m'a initié à Tolkien et qui deviendra probablement l'un de mes amis les plus chers de mes 14 à mes 20 ans à peu près, Christos. Christos est un grand fan de métal. On a une bonne différence d'âge (presque 5 ans) et il fait toute sortes de choses que je ne fais pas encore, comme travailler et s'acheter des billets de show avec son argent (il vit chez sa mère, alors il a beaucoup d'argent pour voir des shows. d'ailleurs, il vit toujours chez sa mère - mais il a acheté une moitié de la maison maintenant - et il voit toujours beaucoup de shows). Il a un savoir encyclopédique - comme beaucoup de métalleux - et il ne se limite pas à un style ou à un genre (au contraire de beaucoup de métalleux). Je suis intéressée par ce qu'il me propose d'écouter, et il ne lésine pas sur les suggestions musicales: Dream Theater, Blind Gardian, Anathema, Summoning, Therion, Katatonia, Dark Tranquility... Des groupes que j'écoute encore aujourd'hui, souvent. Il comprend assez vite que j'aime mieux mon métal mélodique et pas trop lourd, donc même si on essaie aussi Mayhem, Bathory et compagnie, je m'en tiens plutôt aux groupes cités ci-haut. Et Christos me fait aussi écouter un groupe qui est relativement récent, mais qui ne va cesser de croître en popularité et en exosatellites de groupe, soit
Godspeed You ! Black Emperor, dont l'un des offset, Silver Mt Zion, deviendra l'un de mes groupes chouchou.
Élément déclencheur numéro 5: été 1999. Par un concours de circonstances, je discute avec une connaissance du cégep de mon frère sur les internets. Il m'invite à un party avec d'autres gens du channel sur lequel on jase. Je suis toujours un peu gênée lors des rencontres IRL, mais je ne regretterai pas d'être allée à celle-ci, parce qu'au petit matin, quand plusieurs personnes se sont juste effondrées des suites de leur consommation d'alcool, David (qui ne boit pas du tout) et moi (qui ne boit pas encore) passons en revue le contenu de la playlist de la personne chez qui nous sommes présentement. Le dude est actuellement dans un gros trip techno (vraiment pas mon truc, nope), mais on sent que cet intérêt s'inscrit dans une appréciation plus générale de la musique "électronique", parce qu'il y a des trucs comme Rammstein, Nitzer Ebb, Wumpscut (etc.) dans la playlist. Et aussi: Closer - Nine Inch Nails. Je ne connais pas. David a l'air de penser que c'est une sorte de faute grave.
Nine Inch Nails est son groupe fétiche, et il entend bien me prouver que je DEVRAIS connaître ça. Finalement, en discutant, on se rend compte que je connaissais déjà The Perfect Drug, parce que j'emprunte souvent la trame sonore de Lost Highway à mon frère pour écouter les tunes de Marilyn Manson. On écoute plusieurs trucs, et oui, ok, Nine Inch Nails, je DEVRAIS connaître ça. C'est la chose que je découvre par hasard qui m'accroche le plus depuis très longtemps. Je suis maintenant une grande fille et je suis en mesure de découvrir plus de musique par moi-même. Quand le service de bus reprend, je rentre à la maison et je télécharge la discographie complète de Nine Inch Nails sur Napster (hey!), qui s'arrête à The Downward Spiral à l'époque, mais l'album The Fragile est annoncé pour dans quelques semaines. Je capote sur l'album Broken. J'achète légalement tout ce qui existe du groupe et le nouvel album qui sort. Et je me mets aussi à écouter les albums de Manson et de Rammstein. C'est comme un trio de feu pour l'adolescente un peu fâchée que je suis. J'importe le tout dans mon groupe d'amies (un gros groupe de trois
) et on se met à rayonner musicalement à partir de là. On découvre toutes sortes de trucs dans la sphère industrielle, métal, EBM, etc.
Élément déclencheur numéro 6: été 2000. Je commence à travailler aux Bosquets, une colonie de vacances pour déficients intellectuels et polyhandicapés. Comme dans beaucoup de ces endroits, les moniteurs sont essentiellement des gens bien relax, un peu hippie, sur le party. Je découvre beaucoup de trucs que j'ai beaucoup écouté dans les années suivant le camp, genre Jean Leloup (jouer Le Dôme en boucle pendant mon CÉGEP), des bands de musique québécoise "émergente" (à l'époque), comme Les Breastfeeders, Tryo, Manu Chao, bref, vous voyez le genre... Deux moniteurs en particulier sont de joyeux lurons et, les chanceux, ils dorment dans le chalet d'été, donc ils sont juste quatre dans leur barraque (VS nous qui sommes 16 dans le chalet des moniteurs). Parce que c'est plus "discret", on va chiller (lire: boire) dans leur chalet le soir, et les deux gars viennent de Repentigny et passent le CD un peu rigolo d'un band de leur région que vous connaissez tous. J'accroche vraiment! Je commence à fréquenter leur forum sur leur site web, qui est un peu tout croche à l'époque, mais sympathique.
Les années qui suivent ont juste été des découvertes dans les traces de ce que j'écoutais déjà, ou de nouveaux albums de mes artistes préférés. Il reste très exactement deux bands qui vont me virer à l'envers et changer énormément mon rapport à la musique.
Le premier, c'est
Avec pas d'casque. Curieusement, c'est un peu flou comment j'ai découvert Avec pas d'casque. J'en ai entendu parlé comme ça, c'était peut-être juste une mention à la radio (Bande à part, probablement?!). J'achète (légalement, en format physique) l'album Dans la nature et à la première écoute, je n'accroche pas tant. À la deuxième, je CAPOTE sur les textes de Stéphane Lafleur. Une poésie comme en entend rarement, des images qui me restent dans la tête tout le temps (j'ai même monté un "lexique" Avec pas d'casque constitué de mots et des définitions qui leur sont attribuées dans les paroles de chansons, parce que c'est une figure de style que Stéphane Lafleur utilise souvent... ex: "l'espoir est le genre de lumière qu'il faut changer souvent", "la chance est un volant qui se tient à deux mains"). C'est une véritable obsession, et c'est pire après mon premier show d'AVPC, au Festival Diapason, dans un contexte (d'abord au Club vidéo 20/20 puis au Patio Vidal) où ils sont particulièrement à l'aise et funny. Je vais les voir chaque fois qu'ils sont en spectacle près d'ici. J'écoute leurs albums en boucle, parfois tous les albums, tous les matins, pendant plusieurs semaines. Je ne me tanne pas et j'ai l'impression que je ne me tannerai jamais. Je me marie sur un montage de deux chansons d'Avec pas d'casque
que Wikachu m'a patenté. Stéphane Lafleur fait une apparition à la dernière de Bande à part et chante une chanson qu'il n'endisquera jamais, Le soleil se cherche du stationnement dans l'horizon, et qui restera ma préférée. Il la chante au show sur le toit de Ubisoft, alors que le soleil se couche sur le Mont-Royal. Je capote ma vie.
Le second, c'est
The National. Par hasard, fourchette et moi allons voir le film
Mistaken for strangers au festival Fantasia. Film super intéressant, qui raconte l'histoire de Tom Berninger, qui est invité par son frère à servir de roadie sur la tournée de son band, au lieu de perdre sa vie dans le sous-sol chez ses parents. Le frère en question étant Matt Berninger et le band, The National. Je télécharge (illégalement, sur The Pirate Bay) l'entièreté de leur discographie et je la joue en boucle. The National va faire en sorte que je m'intéresse plus au folk et à la musique plus relax (ce qui fait bien changement), ainsi qu'au rock américain (comme les Black Keys, Wilco, Pavement, des trucs du genre). Ça complète bien mon répertoire musical déjà bien garni. Je vais voir The National à la Place des Arts le 21 juin! J'ai hâte.