Je n'ai pas fait un vrai top 10, mais j'ai fait l'exercice suivant: j'ai pris les 150 Immortels les plus récemment élus (on s'entend que ça nous mène seulement jusqu'en 1945) et j'ai sorti 10 livres que j'ai lu que j'ai aimé chez ces Immortels en particulier. Ça fait un genre de top 10, mais j'ai volontairement laissé de côté certains trucs (Ionesco, Cocteau, Claude Lévi-Strauss, le commandant Cousteau) qui me rejoignent moins et que je connais moins, j'ai plutôt choisi des trucs de tout horizon qui m'avaient plu à moi. Après, je suis une lectrice vorace et mes goûts ne sont pas ceux de tous, donc ça vaut ce que ça vaut. Mais c'était plus facile de procéder comme ça que d'essayer de faire un top 10 avec des canons comme Corneille, Nicolas Boileau, Racine, Scudéry, Fenelon, Jean de la Fontaine, Bossuet, Charles Perrault, La Bruyère (etc.) qui côtoyaient les modernes.
Bref. Voici mon "top" (du plus vieux au plus récent):
La Gloire de mon père - Marcel PagnolJ'ai eu mon premier contact avec Pagnol en sixième année, alors que nous avions à l'étude un extrait de ce volume en particulier des Souvenirs d'enfance. Je l'avais emprunté à la bibliothèque municipale par la suite pour le lire au complet. Lire du Pagnol enfant, comme je l'ai fait, c'est être fasciné par la liberté des jeunes qui sont mis à l'avant-plan comme dans ce roman. Quand on y revient adulte, c'est constater la matérialité du sud de la France de Pagnol et tout le talent qu'il a pour décrire les ambiances, les décors, les odeurs... Aussi, si vous aimez la chasse, ceci devrait pour plaire.
Les Rois maudits - Maurice Druon
Je pense que cette saga en sept tomes se passe de présentation, mais juste au cas, il s'agit d'une version romancée (mais néanmoins collée sur la réalité historique) des désastres de la sucession au trône de France, de la malédiction prononcée par Jacques de Molay sur le bûcher jusqu'à la guerre de Cent ans. Plutôt que de se concentrer sur un personnage royal, le pillier de la saga (enfin, jusqu'au 6e tome) est Robert d'Artois, un personnage par ailleurs fort sympathique, qui assiste à tous les développements de la course à la succession. Je vais émettre une opinion audacieuse: c'est meilleur que
Game of Thrones.
Mythe et épopée - Georges DumézilPeut-être pas la tasse de thé de tous. Dumézil est un linguiste qui a longtemps travaillé sur la linguistique comparative, notamment les rapprochements possibles entre les langues du grand bassin indo-européen. En 1939, Dumézil débute des travaux de mythologie comparative qui le mène à penser que les proximités entre les langues ne sont en fait que le reflet de la proximité des civilisations, construites sur des mythes fondateurs similaires. Mythe et épopée est une brique (trois tomes) fascinante qui est la culmination des travaux du Dumézil démontrant à quel point les grandes civilisations indo-européennes sont toutes fondées sur une même mise en scène du monde.
L'oeuvre au noir - Marguerite YourcenarMarguerite Yourcenar est la première femme élue à l'Académie, mais outre ce fait d'arme, son roman L'oeuvre au noir est juste un excellent roman historique qui mêle alchimie, idéal humaniste et esprit d'innovation des Lumières. C'est aussi un récit de voyage avec une forme de mystère et de suspense. La plupart des gens préfèrent les Mémoires d'Hadrien à L'oeuvre au noir, mais je n'en démords pas, ce livre est génial. Aussi, si vous aimez ce genre de récit historique mélangeant habilement connaissance scientifique et suspense, j'en ai toute une liste pour vous que j'ai compulsée après avoir lu ce livre. (Un indice: ça implique beaucoup de roman de Umberto Eco).
La disparition de la langue française - Assia DjebarLa disparition de la langue française est un récit qui porte sur l'utilisation de la langue française comme outil de colonisation et sur la blessure ressentie par l'immigrant quand la langue imposée devient sa langue naturelle, le tout sur fond de la prise d'Alger lors de la guerre d'indépendance d'Algérie. C'est une excellente oeuvre pour aborder le thème des identités migrantes et pour comprendre les réalités post-coloniales (je dirais lire cela, puis lire Franz Fanon pour avoir la dimension plus violente et plus essentielle de la chose).
Le Roi-Soleil/L'Hiver du grand roi - Max GalloJuste une excellente biographie romancée de Louis XIV et de son siècle. Le style de Max Gallo est assez précis, et ça se lit comme du bonbon. Si vous aimez le genre, j'ai aussi lu sa bio en deux volumes de Victor Hugo (
) et je pense que ses cycles historiques sont aussi fort appréciés des amateurs (cantabile? t'as lu quelque chose de lui?).
Pays sans chapeau - Dany LaferrièreJe n'ai pas lu tous les livres du cycle autobiographique de Dany Laferrière, mais Pays sans chapeau raconte le retour au pays natal 20 ans après l'exil forcé par crainte des Tontons macoutes. C'est une des choses les plus intéressantes que j'ai lu de Dany Laferrière, en mêlant habilement la sensibilité et le souvenir (le retour s'effectue à la suite de la mort du père) et les grands thèmes de la négritude (l'exil, le retour au pays natal, le sentiment de filiation dans la diaspora, etc.)
Le parfum d'Adam - Jean-Cristophe RufinPeut-être pas le roman le plus pertinent de cette liste, mais une vraie lecture plaisir, alliant malthusianisme et bioterrorisme. Écrit sous la forme d'un thriller d'espionnage, les protagonistes voyagent entre l'Europe, l'Amérique du sud et l'Afrique pour élucider le mystère de ce qui semblait être, au départ, une attaque contre un laboratoire faisant des expériences sur les animaux. Je dois être économe de détails sur ce coup pour ne pas vous vendre de punch, mais c'est le parfait livre de vacances: assez costaud, mais palpitant du début à la fin.
Les identités meurtrières - Amin MaaloufConformément à ma fascination pour les littératures identitaires, cet essai d'Amin Maalouf qui questionne la problématique de l'identité et des conflits internes qui peuvent en découler. Beaucoup de pistes intéressantes, comme le concept d'apprendre des langues étrangères pour pouvoir communiquer avec le plus grand nombre de gens possible sur la planète et le fait de ne pas se conformer à une ethnicité pour assurer son identité (afin d'éviter de séparer les communautés de manière hermétique). Et c'est un livre très court qui est une bonne face d'aborder la réflexion identitaire.
Danièle Sallenave - Castor de guerre La Deuxième guerre mondiale vue du point de vue du Castor (Simone de Beauvoir, pour les non-initiés) et du mouvement existentialiste. Une analyse rassemblant les journaux de guerre du Castor, les Carnets de la drôle de guerre de Sartre, leur prolifique correspondance et ce qu'ils ont écrit ou commencé à écrire durant la guerre (L'Être et le néant pour Sartre, Le Deuxième sexe pour Simone). Sallenave voyait son essai comme une façon de démontrer la radicalité des points de vue qui se sont opposés durant la guerre et l'échec des systèmes qui s'ensuivit. Intéressant pour les gens qui sont passionnés par la guerre, l'histoire des idées et les potins existentialistes.
Voilà. Je pense que c'est diversifié, ce qui du coup montre bien la vastitude de ce qui est produit par les Immortels.
Bon, j'ai assez parlé de l'Académie française pour quelques semaines maintenant.